(Muisque: T.a.t.u - 30 minutes)
Sueur. Sursaut. Réveil. Cris. Retour brutal à une réalité toute aussi affreuse.
Le même rêve me hante depuis près d'un an. Un an que je suis terrorisé par l'obscurité de la nuit. Un an que fermer les yeux est pour moi la pire des tortures. Un an que tu es mort, assassiné par un fou furieux. Une balle dans la tête, d'innombrables coups de couteau, c'est ce qu'ils ont dit. Je n'ai rien pu faire car je n'étais pas à tes côtés alors que j'aurais pourtant dû l'être. Je m'en veux tellement, si tu savais. J'ai failli à mon devoir car je n'ai pas su te protéger et j'en ai payé le prix. Mais aujourd'hui, la souffrance va se terminer, les rêves vont cesser définitivement, le cauchemar qu'est devenu ma vie va prendre fin. Je regarde la boîte de cachets blancs dans ma main, ma délivrance, ma rédemption. J'aurais dû le faire bien plus tôt, même si je n'en avais pas le courage.
Comment ai-je pu imaginer que le temps allait guérir les blessures? Comment ai-je pu imaginer vivre sans toi une seule seconde, alors que tu étais mon seul oxygène et que je me nourrissais de tes sourires?
De toute façon, une partie de moi est déjà morte quand ton coeur a arrêté de battre. J'ai tout perdu. Mon monde s'est écroulé. Je n'étais plus rien, plus qu'une coquille vide, vide d'envie, vide de sens. J'ai passé de long mois sans bouger de mon lit, plongé dans le noir, dans un état de léthargie profonde. Gustav et Georg venaient s'occuper de moi, même si j'aurais préféré qu'ils me laissent crever seul. Tu leur manques aussi tu sais. Tu manques à tout le monde, Bill. Tes fans ont pleuré, certains ont fait une procession pour te rendre hommage et d'autres t'ont même suivi jusque dans la mort. Ton décès a affecté tout le monde. Moi le premier. Perdre sa moitié, c'est pire que tout. Ça m'a rendu fou. C'est comme mourir à l'intérieur mais être condamné à rester dans le monde des vivants. Comme un damné.
Mais je viens te rejoindre et cette pensée seule suffit à me rendre espoir, à raviver la flamme qui s'était éteinte pendant ma dépression. Je n'ai pas peur. Je n'ai aucun regret. Sauf de n'avoir pas pu tuer ce malade de mes propres mains après lui avoir infligé les pires tourments. Je n'ai pas eu cette chance. On l'a retrouvé pendu à quelques kilomètres du lieu du crime. Mais peut-être est-ce mieux ainsi. Tu n'aurais pas voulu que je me salisse les mains pour te venger.
Je caresse du pouce la petite boîte. Je l'ouvre et laisse les comprimés rouler sur ma paume. Je suis seul. Il est six heure du matin, et dans quelques minutes je ne serais plus de ce monde. L'adrénaline parcourt mon corps, une dernière fois. Je suis fébrile. J'attends ce moment depuis si longtemps. Je porte ma main à la bouche et avale peu à peu tous les cachets de la boîte, avec un mélange d'eau et d'alcool. Cocktail empoisonné, bu jusqu'à la dernière goutte.
Crachotant, titubant, je prends appui sur l'évier et contemple une dernière fois mon reflet blafard dans le miroir. Mon coeur se soulève, car je crois un fugace instant reconnaître ton visage à la place du mien. Nos traits si semblables se confondent, si bien qu'il me semble n'être qu'un imposteur qui vole ton identité. J'en ai la nausée. Je passe ma main sur ma joue. Alors ce monstre, ce fantôme translucide au regard vide, n'est nul autre que moi?
J'ai vraiment peine à me reconnaître, avec mes yeux injecté de sang et mes cernes qui s'étendent jusqu'à plus fin.
Je détourne les yeux, je ne peux pas supporter mon hideux reflet davantage.
Une larme unique dévale ma joue et vient perler à mon menton, tandis que ma mâchoire se crispe, que mes poings se serrent. Tout mon corps se met alors à trembloter.
J'ai une ultime pensée pour nos amis et pour nos parents, auxquels j'adresse des excuses silencieuses. Mais ils savent que je ne peux plus continuer à vivre ainsi. Je suis las. Je n'ai plus rien à faire ici, sur cette terre. Pas sans toi. Ils finiront par comprendre mon geste. Peut-être même qu'il s'y attendaient, et que c'est la raison pour laquelle maman et Gordon ne voulaient pas me voir, prétextant que cela faisait trop mal.
Mais je n'ai pas le temps d'y penser d'avantage. Mon esprit s'embrume, ma vue se brouille, tout devient confus. Ma tête heurte le bord du lavabo et je tombe lourdement sur le sol. Je ne peux presque plus bouger.
J'attends patiemment, les yeux clos. Je perçois le tic-tac incessant de ma montre, mais je ne distingue plus les petites aiguilles qui continuent pourtant de tourner, inlassablement.
Tic-Tac.
Tic-Tac.
Tic-Tac.
Je ne sais pas combien de temps je suis resté allongé sur le carrelage gelé, quelques minutes, des heures peut-être? Mais je me sens enfin partir, me détacher, m'envoler. Dans un dernier flash de lumière j'aperçois ton visage angélique qui me sourit tendrement.
Mes lèvres s'étirent de suite en un sourire semblable. Je me sens enfin heureux, en paix. Mais peut-être n'est-ce qu'un bonheur illusoire. Dernier sursaut d'espoir.
✴︎✴︎✴︎
Je voyage, ailleurs, dans un autre univers, dans un autre temps. Je me sens léger, je flotte dans l'espace. Je n'ai qu'une seule certitude, c'est que je viens te rejoindre dans cette autre réalité. Et rien d'autre ne m'importe désormais.
Après une durée indéterminée, j'entrevois une lumière. Peut-être « le bout du tunnel », comme on dit. Puis une silhouette noir qui ne m'est que trop familière. Alors je cours à nouveau vers toi. Je cours pour te retrouver. Personne ne me retient cette fois, et je sais que tu m'attends.
Nous serons bientôt réuni, petit frère.
✴︎✴︎✴︎
END
Classique terreur nocturne d'une âme tourmentée.
J'essaie des nouveaux genres pour voir... Registre angoissant, voir horrifique. Je sais déjà que ça va plaire à certaines personnes, mais que d'autres vont détester ce style.
J'espère que vous faites partie des personnes qui ont apprécié, auquel cas merci de me le faire savoir :)
(Et on se revoit bientôt j'espère, pour la suite de l'Héritier.)
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Run, Run, Run
Horror« ... » Je cours enveloppé par un brouillard dense et un silence presque absolu. Je cours derrière une silhouette noire qui se fond toujours un peu plus dans la brume. Le bruit de mes pas résonne inlassablement dans ma tête, comme si l'on m'inflig...