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-Putain!
Je cours dans les rues de Dallas. Mon cours à l'université du Texas vient tout juste de se terminer. Pour tenter d'accélérer mon trajet, j'ai décidé de traverser en pleine intersection et j'ai ruiné mes vieilles baskets en mettant les deux pieds dans une énorme flaque d'huile.
-Merde! m'exclame-je.
Toutefois, je ne prends pas un instant pour tenter de retirer ce liquide visqueux. Je dois courir pour ne pas arriver en retard. Ces temps-ci, ça m'arrive à tous les jours. Dès que mon enseignant nous donne le feu vert à moi et à mes camarades, je suis la première à me lancer à la porte du cours sans même prendre le temps de passer à ma case pour y prendre mes effets. Je file à travers les rues pour retourner dans mon chez-moi enfiler mon uniforme et passer directement au resto-bar non-loin de là. Et présentement, cette routine m'exaspère comme à chaque jours.
En passant devant une rue barrée, un homme que je suspecte être ingénieur de construction et ses trois employés me dévisagent et ricanent entre eux. Je leur lance un sale regard qui fait tourner la tête aux employés, mais pas à l'ingénieur qui pouffe maintenant seul.
-Jolie la rouquine! finit-il par lancer.
J'accélère le pas. Si je n'étais pas pressé autant, ce mec passerait un très mauvais moment. Je me suis toujours demandé pourquoi j'avais cette particularité de faire partie de ce 1,5% de la population mondiale qui ont les cheveux roux. Pourquoi ça n'a pas tombé sur une autre? Sur cet abruti d'ingénieur par exemple?
J'aperçois enfin l'immeuble dans lequel j'habite. En moins d'une, je gravite les marches, enfonce ma clé dans la serrure et pénètre dans le couloir central. L'odeur est répugnante : un mélange de cigarettes et de vieilles chaussettes en putréfaction. Je titube jusqu'à ma porte et y entre. À l'intérieur, il fait sombre. Mes rideaux sont tirés puisque je n'ai pas eu le temps de les ouvrir ce matin. J'étais encore trop pressée de rentrer au resto-bar et d'y travailler pendant deux heures avant de me rendre à l'université. Je dépose mes cahiers sur mon lit et me presse à rejoindre ma salle de bain. Je passe un filet d'eau sur mon visage pour m'apeser et j'enfile en vitesse mon uniforme qui se compose d'un long chemisier qui m'arrive aux genoux et d'un tablier blanc qui l'agrémente. Je chausse mes vieux talons hauts dévernis qui me martyrise les pieds à chaque pas. Ce sont des vrais instruments de torture. Dans la poche du tablier, je dépose mon seul objet personnel qui m'a toujours appartenu: mon cellulaire. Je ne sais pas ce que je ferais sans ce petit objet si fabuleux et talentueux. J'y glisse également mon porte-clé et mon portefeuille quasiment vide et part à la course en refermant rapidement ma porte derrière moi.
Je n'ai qu'à traverser la rue pour me rendre aux resto-bar. Par contre, c'est le seul avantage que possède ma ''splendide'' demeure. Je suis le chemin de la porte des cuisines et rentre dans un cou de vent. Encore une fois, je suis en retard. Et ma patronne le remarque. Je dirais même qu'elle m'attendait au seuil de la porte. Elle gesticule toutes sortes de mots que je ne comprends pas très bien tellement qu'elle parle très vite. Elle se calme au bout d'un moment.
-Je ne veux plus que ça arrive, Holliday.
Je ne peux pas lui dire que je cours à tous les jours pour rejoindre le resto. Elle me renvoyerait et je n'aurais plus de moyens de subsistance. Plus de travail. Plus d'argent. Plus de rêve. Je déglutis.
-Je vous le promets, Mrs. Lucas.
Elle se frotte le front luisant et me fait signe d'aller dans le resto. Je m'exécute.
Comme habituellement, il y a quelques clients quotidiens, mais pour la plupart, ce sont de jeunes voyageurs qui explorent les lieux. Je reconnaîs Mr. Holt assit au bar en train de boire sa paie de la semaine. Il n'est rendu qu'à son troisième verre et chante déjà les musiques countries qui servent d'ambiance dans le resto-bar. Je m'installe derrière le comptoir pour servir Mr. Holt à chaque fois qu'il le demande. Parfois, je vais servir les clients de la partie resto, mais ce soir, il n'y a pas foule : nous sommes jeudi.
Je dois rester jusqu'à la fermeture, soit à 1h a.m. du matin. Et encore cette fois, les employés quittent un par un le resto me laissant seule avec Mrs. Lucas, ma patronne. Lorsqu'elle sort à son tour, il est 23h p.m.
Il ne me reste pas longtemps, ma journée achève enfin.
Mr. Holt est toujours là et quelques clients terminent les repas que le cuisinier leur ont préparés avant de quitter. Après 23h p.m, il n'y a que le bar d'ouvert.
Aux alentours de minuit, la cloche qui annonce un nouveau client sonne. À cet instant, je suis occupée à nettoyer et à astiquer les verres à ''shooter''. J'entends des bruits de bottes s'approcher du comptoir et dès que je relève les yeux, un mec m'observe. Je dirais plutôt qu'il me dévisage. Sa main est portée à son ventre et il saigne abondamment de la lèvre inférieure. Je reste pétrifiée devant l'allure insolite de cet étranger. Il semble essoufflé, comme s'il venait tout juste de courir un marathon. Une fine couche de sueur perle son front. Il porte un pantalon noir et un veston en cuir brun. Ses vêtements et son visage sont couverts de poussière. Des lunettes solaires teintés décorent son visage malgré la noirceur de l'extérieur.
-Un café s'il vous plaît.
Je suis estomaqué devant la déclaration de celui-ci. Son sang traverse le contour de ses lèvres et glisse sous son menton pour venir salir le comptoir que je viens tout juste de nettoyer.
-Vous avez une lèvre fendue, lui dis-je en pointant du bout de mon doigt ma propre lèvre.
Il secoue les épaules, soulève son sourcil droit et, signe de rien, il dit:
-Je sais.
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Tombée sur un Agent Secret
ActionHolliday LAWSON est une étudiante surdouée à l'Université de Dallas. Une routine épuisante et un travail assommant, elle galère à amasser les fonds nécessaires pour ses études. Puis, un soir, el...