Ses yeux. Je m'en souviens encore très bien. Ils étaient injectés de sang. Complètement fous. Certainement pas humain.
Ça me paralysait de terreur.
Il n'y avait rien de rassurant à le fixer. Mais je ne pouvais pas détourner le regard.
J'avais attisé sa colère.
Je savais que j'en étais la cause.
Mes jambes ne bougeaient pas, je ne pouvais remuer aucun muscle. On aurait dit que tout était gelé. Mes dents claquaient, mes tremblements étaient hors de contrôle.
La salle était froide. Trop froide pour que ça aille du sens. Mais c'était réel, n'est ce pas?
J'étais transi, je sentais plus rien. Totalement mou.
Tout allait s'effondrer. Tout allait mal. Je le sentais. Je le savais.
La fin était proche. Et je méritais la pire des morts. Mais mieux valait faire face à sa souffrance.
La mienne se délectait de mon impuissance. Elle souriait.
J'allais partir. À l'instant.
Puis la chanson reprenait. De plus en plus fort, de plus en plus clair.
Tu vas mourir.
Cette fois, les mots se dévoilaient. Ils prenaient tout leur sens.
Je te tenderai la corde.
La main squelettique couverte de chair putréfiée se levait pour venir caresser ma joue. Tout doucement, pour s'assurer que le supplice dure. Pour que mes barrières mentales éclatent une à une, jusqu'à ce que les quelques miettes de volonté qui me restaient s'envolent.
Pour que tu te pendes
J'étais vide. Je n'étais plus rien.
Autant bien choisir
Mais ça ne s'arrêtait pas. Ça ne s'arrêtait jamais.
Comment parvenir à ses fins
Un cri montait en moi. Rien ne franchissait mes lèvres. Elles étaient scellés.
Je n'avais droit qu'au silence.
La parole coûtait trop cher.
Le silence est d'or, la parole est d'argent
Peu à peu, les traits changeaient. Le visage n'étaient plus si monstrueux. Il était presque familier.
À la fin, ce n'était plus la créature qui me fixait.
C'était Samuel. C'était lui. Il tenait le fusil pointé vers moi.
Tu vas mourir
Et appuyait sur la gâchette.
Le sang giclait sur les murs de pierre et je basculais vers l'arrière, tombait sur le sol.
Ma chute avait des allures de drame. C'était ce que je m'étais dit les premières fois. Mais à force de revivre le même cauchemar, ce rêve avait perdu de son charme.
Ça me hantait et me privait de mes nuits.
Je me voyais perdre l'équilibre au ralenti en sachant très bien que Samuel me fixait en souriant.
Puis il éclatait de rire et le son s'infiltrait en moi. Mes oreilles bourdonnait; j'étais couvert de sang.
Je n'étais pas mort.
Parce que je ne le méritais pas.
Les montres comme moi étaient condamnés à vivre dans la douleur.
Dans leurs cauchemars.
Encore.
Et encore.
Jusqu'à ce qu'un jour, ils se réveillent, puis se recouche en se demandant pourquoi.
Pourquoi se lever alors qu'on peut ne jamais rouvrir les yeux.
Ils prennent la décision d'en finir avec eux-même à cause de la peur.
La peur de s'apercevoir dans le miroir.
Mais de ne plus se reconnaître.
Les yeux sont interrogateurs, mais emplis de douleur. Je le sais. On le sait. Ils le savent.
Les montres vivent en nous.
Et parfois, ils gagnent.
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Éveil cauchemardesque
Historia CortaPetite nouvelle sur les pensées d'un personnage tourmenté.