Fragment trois.

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Cloé soupira d'aise en sentant la chaleur d'un foyer accueillant et un sourire naquit sur ses lèvres lorsqu'elle pensa à l'homme qui se trouvait dans le salon, à quelques mètres d'elle. Elle retira ses escarpins et jeta son manteau et son sac sur le buffet du hall d'entrée avant de se presser jusqu'à son amant. Elle le retrouva, songeur, installé sur le canapé, un journal sous les yeux. Cloé se hissa à son tour sur le sofa et posa sa tête sur l'épaule de Harry, regardant ce qui pouvait bien l'intéresser à ce point. Un article du journal en question abordait l'idylle de Harry et Cloé. Immédiatement, la présentatrice lâcha un soupir et referma le journal. Elle ne voulait pas savoir ce qu'on disait d'eux, de lui, d'elle. Rien n'avait d'importance. Elle était amoureuse du chanteur, pas du chiffre qui était censé le définir. Onze ans, ce n'était pas rien. On ne jugeait pas un couple de retraité que l'âge séparait, pourquoi devait-on le faire avec des personnes plus jeunes ? La célébrité, sans doute. Cloé attrapa la main de son amant mais le bouclé garda ses yeux posés sur le journal, bien que celui-ci soit fermé. A vrai dire, il ne pensait pas à ce que la presse disait de lui. C'était le dernier de ces soucis, à cet instant. Parce que les journalistes ne géraient pas sa carrière et ne risquaient pas de briser son couple, son management le pouvait.

Une réunion avec Modest avait eu lieu, deux jours plus tôt. Harry n'avait prévenu personne. Il avait enfilé son manteau après avoir reçu un sms de Paul et avait regagné les studios du management en silence, à bord de sa voiture. Il s'était garé et avait pénétré dans l'enceinte de l'établissement. La standardiste ne savait pas elle-même qu'une réunion était organisée. Ce fût Paul qui guida le chanteur jusqu'à une pièce infiniment petite en comparaison des salles de conférences où il avait l'habitude d'être convoqué avec le groupe mais cette fois, c'était différent. Harry le savait. Il n'avait retrouvé qu'une poignée d'employés du management, ceux avec qui il avait l'habitude de faire affaire. Et Paul n'était pas venu pour parler de la tournée, plutôt pour soutenir le châtain qui verrait son cœur être brisé à la fin de cet entretient. Ce qui se produit. Pour le bien de sa carrière, Harry devait mettre un terme à son histoire avec Cloé. Il avait une semaine.

Et maintenant, Harry devait mentir à sa petite-amie. Il devait se montrer distant, absent, pour ne pas qu'elle lui pose des questions dont elle obtiendrait forcément les réponses. Il devait être froid, lui faire des reproches alors que pour la première fois depuis longtemps, Harry se sentait vraiment à sa place dans la maison qu'il avait acheté. Les murs étaient couverts de photographies que Cloé avait tiré elle-même. Pendant que Harry était occupé à répéter pour la tournée qui s'annonçait, la brune avait appelé Anne pour qu'elle lui envoie toutes les photos préférées du brun. Le papier peint était caché sous près de quatre-cent clichés répandus un peu partout dans la maison, faisant en sorte que même lorsqu'il était seul, Harry se sentait entouré.

- Tout va bien ? Souffla Cloé.

Harry hocha la tête avant de se tourner vers sa petite-amie. Un frisson le traversa alors qu'il faisait mentalement le décompte des jours qui lui restaient à passer avec elle. Quatre jours et demi, c'était tout ce qu'il avait. Quatre-vingt quatre heures à s'aimer avant de ne devoir se quitter. Son cœur se serra.

- Tu es sûr ? Insista-t-elle en voyant le malaise visible sur le visage du chanteur.

- Oui.

Il déposa ses lèvres sur le bout du nez encore froid de Cloé et se leva. Il se rendit dans la cuisine et entreprit de leur préparer un chocolat chaud, sans doute la boisson préférée de la brune. Elle sourit en sentant l'agréable odeur de chocolat se répandre dans la bâtisse et décida de mettre un peu de musique. Pas le temps de chercher parmi l'impressionnante collection de CD de Harry, elle opta pour celui qui se trouvait déjà dans le poste. La voix de Paul McCartney envahit la pièce.

Dans la cuisine, le châtain se demanda comment il devait rompre avec sa petite-amie. Il avait pensé à lui mentir –il était préférable de le faire- mais qu'était-il censé dire ? Qu'il l'avait trompé et qu'il comptait poursuivre son histoire avec cette autre femme qui n'avait jamais existé ? Il briserait le cœur de Cloé, c'était certain. Il songea aussi à lui dire qu'il ne supporterait pas la distance et son absence pendant tout le temps que durerait la tournée mais la brune serait capable de faire quelques voyages en Europe pour ne pas rester trop longtemps séparé de son amoureux. Harry pensa même à prétexter que sa mère n'aimait pas la brune mais Cloé aurait compris le mensonge. Anne adorait la jeune femme. Pour ce qu'elle était mais aussi pour ce qu'elle représentait aux yeux de son fils. Peine perdue. Et Harry savait que quoiqu'il dise, Cloé souffrirait.

Un instant, il se demanda s'il ne valait pas mieux pour lui de dire la vérité. De la rejoindre dans le salon avec leurs chocolats chauds dans les mains et de lui raconter qu'il avait eu une réunion avec Modest. Une réunion en petit comité pour ne pas attirer l'attention où il avait été le seul convié et qu'au cours de celle-ci, on lui avait rappelé certaines closes de son contrat avec Modest. Il voulait lui dire qu'il devait rompre avec elle et qu'on ne lui avait pas laissé le choix. Il devait briser le cœur de Cloé avant de voir le sien être brisé. Sauf qu'on lui avait interdit. A mi-mot, on lui avait dit que « tout cela » devait rester entre eux. Harry avait quitté la salle, l'estomac au bord des lèvres. Il avait couru dans les toilettes rejeté le contenu de son estomac jusqu'à ce que Paul le trouve et essaye de le réconforter du mieux qu'il pouvait. Ce ne sera jamais assez suffisant.

- Tu t'es noyé dans le cacao ? Lança Cloé en regardant en direction de la cuisine.

Harry apparut dans le salon.

- Seulement dans mes pensées, répondit-il, un sourire triste collé aux lèvres.

Et alors que Cloé goûtait sa boisson brûlante en plongeant son regard dans celui de Harry, le brun décida de ne pas mettre un terme à leur relation maintenant. Ils avaient encore quatre-vingt quatre heures à eux et le bouclé comptait profiter de ce temps qui lui restait avec Cloé. Il ne voulait plus être un homme ingrat pour facilité leur rupture parce que quoiqu'il arrive, ce ne serait pas facile pour aucun d'eux. Ils ne cesseraient pas de s'aimer à la fin du compte à rebours. Et Harry serait toujours le connard qui a brisé le cœur de Cloé, que ce soit dans une minute comme dans un mois. Alors, il savoura simplement son chocolat chaud en compagnie de Cloé en pensant aux futurs tatouages qui orneraient son corps dans quelques semaines.

72 Birds.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant