Fragment quatre.

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Harry s'éloigna de Neilina, le sourire aux lèvres. En attachant sa ceinture, il songea à l'agréable journée qu'il venait de passer. La nuit était tombée depuis bien longtemps dans la banlieue londonienne et ses souvenirs étaient intacts, tournant en boucle dans son esprit alors qu'il glissait sa clé dans le contact. Il repensa au premier sourire qu'avait esquissé Neilina. Alors que sa voiture démarrait, il se remémora les premiers mots qu'ils avaient échangés. Et plus que tout, les derniers. Ceux qui comptaient vraiment. Cette promesse à demi-mot de se retrouver. Harry n'y croyait pas tellement. Avec sa carrière internationale et la transparence de la jolie blonde, il avait peu de chance de la recroiser à un carrefour ou encore devant un autre tatoueur mais au fond de lui, le chanteur nourrissait cet espoir. Ce « Et si » qui lui permettrait de trouver le sommeil lors de ces soirs d'insomnies. Ce « Peut-être » qui l'aiderait à se lever chaque matin alors que la nostalgie viendrait chatouiller le bout de son nez. Mais surtout, alors que Harry jetait un dernier coup à son rétroviseur, il se tourna vers l'avenir. Et maintenant, qu'allait-il se passer ? Après avoir rencontré Neilina, après qu'elle ait bouleversé sa vie, que comptait-il faire ? Se contenter d'une vie qui ne le satisfaisait pas ou essayer de ne plus se cacher ? Soudain, une douleur le lança au niveau des côtes, à l'endroit même où la jeune artiste avait déposé de l'encre sous sa peau, marquant à vie son épiderme déjà maculé. Comme un rappel à l'ordre, le tatouage se manifestait et témoignait au bouclé de son importance. « Ne m'oublie pas » criait la plume qu'il avait voulu se faire dessiner et plus que tout, la dédicace un peu spéciale de Neilina ne le quitterait plus.

Ne plus avoir peur. C'était plus facile à dire qu'à faire. Pendant longtemps, Harry avait été protégé de tout. Il n'avait que seize ans quand il avait intégré le groupe. Il venait tout juste de quitter le lycée et travaillait pour gagner un peu d'argent pour financer ses concerts et les quelques salles qu'il arrivait à réserver pour se produire avec son groupe. Ce n'était pas grand-chose mais à l'époque, c'était beaucoup pour eux. Etre sur scène devant deux inconnus leur semblait insurmontable. Maintenant, Harry était, certes, avec un autre groupe mais il pouvait enchaîner dix-huit dates devant des dizaines de milliers de personnes. C'était simple de chanter pour lui, il avait toujours eu du talent qu'il avait perfectionné. C'était simple d'utiliser une chose que la vie lui ait donné dès sa naissance. Gérer son image et sa vie médiatique, c'en était une autre. Louis avait été le premier à le prendre sous son aile. Ses trois ans de plus arrivaient à lui faire avoir une certaine maturité pas toujours évidente mais qui était bien réelle. Il avait protégé son ami de tout, même de sa propre ombre. Modest avait ensuite pris le relai et bientôt, Harry était devenu un personnage formaté par les médias et les rumeurs à son sujet. Mais cela le satisfaisait. Il préférait qu'on le prenne pour le plus grand des salauds plutôt que pour le mec un peu faiblard et maladroit qu'il pouvait être. Avec le temps, il s'était caché derrière cette image qui était devenue sa deuxième peau. Harry n'existait plus, étant doucement remplacé par « Harry, le mec de One direction ». Don't be afraid to change. Cette phrase tournait en boucle dans la tête du châtain, lui donnant un mal de crâne si terrible qu'il fût contraint de s'arrêter seulement après quelques mètres de route. Neilina était loin maintenant. Ses propos aussi. Seuls restaient les mots qu'elle avait gravés sur sa peau. Parce qu'elle avait raison. Harry devait cesser d'avoir peur. Cesser de se cacher. Cesser de cesser.

C'est avec une détermination sans précédent qu'il ouvrit les fenêtres de son auto malgré le petit degré Celsius qu'affichait le thermomètre, poussa le son de la radio plus fort et fonça vivre sa vie. Harry voulait être un homme, maintenant, et la voix de John Mayer ne cessa de lui répéter qu'il était libre.

*

Harry se gara sur le bord de la route, débordant sur le trottoir. Il sortit en vitesse de sa voiture et courut plus loin, ne se souciant guère du PV qu'il prendrait pour son infraction. Il continua de courir jusqu'à la rue voisine en sens interdit et escalada les quelques marches qui le tenaient éloigné de la porte.

72 Birds.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant