12.

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   JE divague, je diverge et je dis merde.

   Merde, putain, qu'est-ce que t'as foutu Timéo Gaudin ?

   Bah je vais te le dire, moi, t'as tout foutu en l'air, t'avais une chance en plus mais tu l'as plus.

   Théa fricote avec ce grand mec un peu cool, musclé ou sportif, qui joue sur les mots, charmant et charmeur.

   Ce grand mec aux boucles de bronze et aux yeux comme faits d'agates, qui sent l'eau salée et le bois fumé.

   Maintenant je suis un con damné à le voir la toucher du poing, de la voir lui sourire, de les voir se parler.

   On m'a dit de porter mes couilles, alors, bah, j'l'ai fait. J'ai été voir ce mec.

   Ma tête de moins et mes épaules pas du tout carrées, j'avais pas l'air con, tiens.

   "Tu m'veux quoi ?" mon rêve est revenu comme une claque. J'ai frissonné, mes muscles se sont rétractés.

   J'voulais que ses os craquent, que sa mâchoire claque, que ses larmes s'épanchent sur son pull pas étanche. J'voulais lui mettre la raclée de sa vie qui lui causerait sa mort — non, j'étais pas jaloux à c'point.

   "La fille à qui tu parles, là, Théa..."

   Un soupir à moitié articulé, j'ai viré au patin désarticulé. Bras pendants, mâchoire branlante.

   "Oh, elle te plaît, t'es gaudingue d'elle, Timéo Gaudin ? Rassure toi, j'te la laisse, cette meuf est tellement coincée que j'pourrais rien en tirer."

   Il m'a ri au nez; mon cœur saignait.

   "Jolie petite salope, si tu réussis à la décoincer ce sera un bon coup, mon pote."

   "J'suis pas ton pote." ces mots trop faibles, mon cerveau et mes yeux s'embrument.

   Ses épaules qui se haussent, lui qui m'avise, qui s'en va.

   "Reviens."

   "J'suis pas ton chien, retourne voir ta chienne."

   Instantanément, mon poing fuse vers son visage, il va s'écraser contre son nez, je veux entendre les fracas, le sang qui gicle, ses cris.

   "C'est répugnant, putain, comment t'es dingue d'une meuf qu'en a rien à battre de toi. Au fond, les filles, c'est elles qui nous niquent tous, tout, le moral, la confiance en soi et la foi en l'amour. Faudra pas pleurer quand elle t'aura dit qu'elle s'en foutait de toi."

   Il tord mon bras, le plaque au mur, mon corps suit, côtes retournées, nausée, pleurs intérieurs qui remontent, j'vais les gerber ou les hurler.

   "J'y toucherais pas à ta Théa, mais s'tu veux mon avis, tu pourras pas l'faire non plus."

   La dureté de ses mots me cognent en plein cœur et j'aurais préféré qu'il me fracasse que de dire ça. J'aurais préféré avoir le nez explosé, passer pour un héroïque et me faire rabrouer par mes parents, que d'avoir le cœur niqué, de lâcher trop de larmes et avoir un biscuit par papa maman.

   Son poing fuit vers mon visage; j'aurais pas du faire le difficile, j'sais jamais profiter de ce que j'ai.

   Il s'arrête à deux centimètres de mon nez, la moue espiègle et curieusement satisfaite avant de s'éloigner, un sourire narquois au coin des lèvres.

   Je palpe mon nez intact et étrangle mes larmes : mon cœur a volé en éclats et a entaillés les parois, j'sens le sang s'écouler le long de mon corps et de mon cœur cassé.

ThéaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant