abîme infini

À LA FIN

Les jours passent, et peu à peu, le grincement s'intensifie. Comme une ombre qui grossit, grossit. 

Tout à coup, tu te rends compte de sa présence. Tu le cherches l'ennemi comme un fou dans le moindre recoin de ton esprit.  Tu veux l'arracher de ta vie, l'exterminer jusqu'au dernier fragment. Tu es comme un chien enragé cherchant quelqu'un à mordre. Les autres finissent par prendre leur distance.

Le gouffre lui, est plié de rire. Qu'est-ce que tu es bête. À vouloir le trouver, tu t'es perdu toi-même. Tu n'as toujours pas compris qu'il fait maintenant parti de toi. Il est toi.

Le gouffre a faim. Sitôt que la solitude s'est emparée de toi, le voilà qu'il t'approche lentement. Tu ne le vois pas mais tu sens son odeur amère. Cette odeur qui t'a accompagnée du début sans que tu lui prêtes vraiment attention jusqu'à maintenant. La fin.

Tu tournes sur toi-même, les mains sur ton visage comme si tu voulais te protéger. Ou comme si tu ne voulais pas voir quelque chose que tu aurais dû remarquer depuis bien trop de temps.

Le gouffre tourbillonne autour de toi. Une danse effrénée. Le chasseur traquant sa proie. Il s'avance, s'avance, jusqu'à que tu aies l'impression que le froid s'est emparé de ton visage.
Tu recules, tu trébuches, te relèves. Le gouffre rit à en mourir. Et c'est là que tu comprends ce qu'est réellement le grincement que tu entends depuis des jours : le rire d'un enfant démoniaque, à en donner la chaire de poule.

Il est gourmand, le gouffre. Et malin.

Tu n'es plus qu'une souris dans une cage. Et le chat te regarde de ses grands yeux espiègles.

Tu trembles quand tu comprends que tu n'as plus le choix. Que tu n'en a jamais vraiment eu.

Alors, tu cours, tu cours. Certains penseraient que c'est un suicide. Mais pour toi, c'est une délivrance. Et tu te jettes dans la gueule grande ouverte du gouffre.

Et tu tombes, tombes, tombes. Sans t'arrêter. Ni reprendre ton souffle.

Un abîme infini.