†Chapitre premier†

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Je me regarde dans le miroir de la salle de bain, ébouriffe mes cheveux qui m'arrivent un peu au dessus de la nuque, et ondulent légèrement. Il y a bien longtemps que j'ai arrêté de les peigner, c'est peine perdue, ils sont trop... téméraires? Mes yeux noisette trahissent un certain manque de sommeil. Non pas que je sois inquiet pour la journée qui s'annonce aujourd'hui, mais je dirai plutôt que les escapades nocturne ne me réussissent pas. Je réajuste mon nœud papillon couleur pourpre et je suis fin prêt. Je m'éclipse de la salle d'eau, descends dans la cuisine et embrasse ma mère qui est entrain de taper je ne sais quoi sur son ordinateur portable une tasse de thé à la main. Elle sursaute légèrement et me demande si j'ai bien dormi et je me contente de hocher la tête pour toute réponse. Elle m'embrasse la tempe et me souris tendrement. Je prends une pomme que je mangerai sur le chemin du conservatoire. J'enfile ma veste de costard, que je trouve toujours aussi serrée, et prends la route du cimetière.

Ça fait dix ans. Aujourd'hui jours pour jours, dix ans que ma vie a basculé, dix ans que ma famille est brisée, dix ans que mon père est décédé et dix ans que ma mère est devenue sourde. La dernière explosion leur avait été fatale, mon père s'était jeté sur ma mère pour la protéger et l'intensité du bruit de l'explosion l'avait rendue sourde. "Surdité par traumatisme sonore." nous avait annoncé le médecin. En bref, aucune chance de guérison. Quand vous avez douze ans, que vous venez de perdre votre père et que l'on vous annonce que votre mère ne pourra plus jamais entendre le son de votre voix, il ne vous reste plus rien à part le désespoir. Pourtant je me devais de faire volt face, pour moi, pour ma mère, pour que mon père ne s'inquiète pas de là haut. Je devais devenir fort pour que ma mère puisse se reposer sur moi.

Au bout de la rue je bifurque à gauche et empreinte une petite ruelle sinueuse et étroite. Elle monte légèrement et débouche sur le cimetière. J'arpente les petits chemins de terre, slalomant entre les tombes pour aller plus vite. Certaines d'entres elles sont en ruine et recouvertes de lierre, signe que ces morts n'ont pas eu de visite depuis des lustres. Mais la plupart sont bien entretenues ayant même quelques fleurs déposées à leur pied.

-Bonjour p'pa! Je dis en arrivant devant sa tombe. Tu sais, aujourd'hui est un jour important pour l'école. Les messies qui nous subventionnent viennent nous rendre "une petite visite de courtoisie." Pour les accueillir au mieux, un concert est prévu en leur honneur et c'est moi qui suis chargé de clôturer l'événement. Youpi... Si tu savais à quel point j'ai horreur de ces personnes imbues d'elles-mêmes... Enfin c'est pas comme si j'avais le choix.

Je soupir et scrute la pierre tombale, le visage de mon père y est gravé avec ses dates et une citation de Gustave Le Bon: "Les volontés faible se traduisent par des discours, les volontés fortes par des actes.". Je trouve que cette phrase résume à elle seule quel homme avait été mon père.

-J'aurai aimé que maman et toi puissiez assister à la représentation, mais je sais que tu me regarde de là haut et ça me suffit pour donner le meilleur de moi même.

Mes yeux se perdent dans le vide et je sens une boule se former dans ma gorge. Des flashbacks de ce soir là me reviennent en mémoire mais je les chasse rapidement en secouant la tête. Pas question de se laisser aller. Je souris, fais un signe de la main à mon père et m'en vais.

La Royal Acedemy of Music se situe le long de Regent's Park j'empreinte donc celui-ci pour arriver plus rapidement au sein de l'école. Lorsque j'arrive enfin il est deux heures et demie de l'après midi, et tout le monde est affairé à une tâche. On peut sentir un parfum d'euphorie et d'angoisse se mélanger à l'air ambiant. Ce qui a le don de me redonner le sourir. Des mains viennent se poser sur mes épaules.

Let's be a MelodyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant