Sandie attendait dans sa chambre. Elle savait qu'elle allait se faire sermonner vertement par tante Lucie.
- Sandie! Peux-tu descendre immédiatement?
Sandie réprima l'envie de se cacher dans son placard et répondit à l'ordre de tante Lucie.
Outch! ça devait être plus grave que les autres fois, Oncle Éric était aussi dans la cuisine. Cette famille avait l'habitude de régler ses problèmes dans la cuisine, entre le four et le frigo. C'était un peu étrange mais aussi parfois pratique lorsque les discussions s'éternisaient. On pouvait ainsi compter sur une petite collation. Tante Lucie, avec son sens pratique savait qu'un ventre affamé a moins d'oreille et de raison.
Oncle Éric commença en premier:
- Sandie, la directrice de l'école nous a contacté. Il semble que tu ne fasse pas les efforts auxquels tu t'étais engagé pour le cours d'éducation physique. Tu t'étais pourtant engagé à suivre le programme et à participer. Tu avais rencontré le psychologue de l'école, vous vous étiez entendu et tu avais compris que c'était imporant. Qu'est-ce qui se passe?
Sandie grimaça.
Tante Lucie continue:
- Sandie, ça fait deux ans que tu es avec nous maintenant. Au début, la directrice et l'école se sont montrés super compréhensifs. Mais maintenant, on s'attend à voir de l'amélioration. Parle-nous de ta journée à l'école, raconte-nous comment ça se fait que tu as disparu au début du cours d'éducation physique? Tu avais pourtant tout ce que tu avais besoin dans ton sac. J'ai vérifié le matin avnt ton départ, tout y était : ton maillot, ta serviette, tes gougounes, ta brosse et tes élastiques pour les cheveux. J'avais même mis ton petit t-shirt bleu, d'un coup que ça t'aurais mis plus à l'aise au lieu d'être en maillot devant les autre. Parle, on t'écoute.
Sandie était paralysée par la peur. Elle devait respirer à fond pour éviter de paniquer. Sandie n'avait plus d'autre excuses, elle devait avouer à son oncle et sa tante qu'elle était terrorisée à l'idée de nager dans la partie profonde de la piscine. Si elle sentait qu'elle perdait pied, elle paniquait solide. Elle ne voulait pas avoir l'air nounoune devant les autres jeunes de l'école.
- J'irai pas dans la grande piscine! Personne ne peut me forcer à le faire, vous ne comprenez pas! Personne ne comprend! J'irai jamais-jamais-jamais-JAMAIS DANS CETTE PISCINE!
Sandie sanglottait, elle était visiblement terrorisée.
Lucie et Éric échangèrent un regard perplexe et un peu désolé. À regret, tante Lucie écrira une nouvelle note à la directrice lui demandant d'être indulgente pour les cours de piscine tout en s'engagent à prendre action de son côté bien qu'ils ne savaient plus quoi faire. Cette jeune fille était parfois une énigme.
Sandie, elle y repensait à tous les jours, elle n'arriverait jamais à oublier LA fois où ÇA c'était produit.
Elle avait 7 ou 8 ans. La vie était douce, maman était encore avec eux à cette époque; le jour où la grande frayeur s'était installé. Le jour où tout avait commencé à changer.
Toute la famille était réunie dans la maison de grand-maman. La même maison où elle habitait maintenant après que tante Lucie et oncle Éric l'aient racheté. C'était la St-Jean-Baptiste, le 24 juin. Grand-papa tenait à faire son barbecue annuel. Il ferait griller des steaks et des brochettes de poulet. Grand-maman préparait de la salade de macaroni et des plateaux de légumes avec de la trempette mayo-ketchup. Et pour dessert, il y avait ses fameux carrés aux bleuets et des cornets de crème glacée. Le tout bien arrosé de bière Molson, de sangria et de boissons gazeuses pour les enfants. Le même menu à chaque année. Les grands parents aimaient la tradition.
On mangeait dehors, sur le terrrain, en arrière de la maison. Grand-maman gardait toujours un oeil sur les enfants. Ceux-ci étaient attirés immanquablement par le bord de l'eau. Ils ne se lassaient pas de nourrir les canards avec du pain sec puis d'y lancer des pierres des brindilles et de regarder le courant paresseux les emporter. La rive n'était pas vraiment invitante pour la baignade, le fond était plutôt boueux et il y avait beaucoup d'herbes qui y poussaient, au plus grand plaisir des canards. Malgré que la pente vers l'eau n'était pas abrupte, Grand-maman craignait que les enfants n'aillent dans l'eau, elle semblait terrorisée à l'idée qu'ils puissent s'y noyer.
Cette année-là, le niveau de l'eau était très bas si bien qu'on pouvait dépasser la zone boueuse