iii. ignis

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I I I . I G N I S

    Le bruit de la circulation se faisait lointain, étouffé par la distance. Celui de ses pas éclatait contre les cloisons glacées, dissimulées par des cryptogrammes tous plus artistiques les uns que les autres malgré leur illégalité. Jimin trouvait qu'en plus d'être belles, ces œuvres étaient à la fois la preuve du courage, de l'affirmation, de la rébellion voire de l'anarchisme de leurs créateurs. Certaines exprimaient une profonde géhenne, une tranchante douleur, tandis que d'autres montraient une véritable ataraxie de l'artiste qui souhaitait transmettre son bonheur. Dans ce coin-ci, la majorité des graffitis présents se révélaient être un art véritable, pas de vulgaires adages, pensées ou proverbes écrits au feutre noir pour se divertir. Jimin admirait ces immixtions découlantes de talent.

    Il était vingt-deux heures trente-sept. Le froid était toujours plus mordant, lacérant sa peau de griffures invisibles et brûlantes, mais le rouquin était habitué. YoonGi n'avait toujours pas pointé le bout de son nez. En réalité, le jeune garçon ignorait s'il aurait le loisir d'apercevoir la tignasse verte ce soir-là. Un long soupir s'écoula de ses pulpes blanchies par une perpétuelle exposition à de si basses températures. Un sentiment amer afflua dans sa poitrine, lui serrant le cœur et l'œsophage. Une déception acide lui prenait les tripes. Les minutes passaient, lentement, longuement pour le cadet qui attendait, qui s'accrochait à l'espoir de revoir l'unique personne qui colorait sa vision de par son extravagante teinture, mais aussi grâce à sa manière d'être. S'il devait détailler ce qu'il éprouvait, il dirait simplement que le courant était passé. Rien de plus. Peut-être ajouterait-il que cette peau diaphane et ces yeux sans fond ravissaient fréquemment ses pensées. Le teinté menthe dégageait quelque chose de charmant et sensuel qui n'avait pas manqué d'éveiller cette appétence longtemps disparue au creux du ventre du garçon.

    _.. Pardonne-moi, je n'ai pas pu me libérer plus tôt !

    Jimin faillit prendre peur mais le timbre bas de la voix rauque qui s'éleva dans l'espace habité par le silence le dissuada de s'enfuir en courant. Et si ses membres s'étaient bel et bien tétanisés lorsqu'il avait compris qu'il n'était plus seul, dans cet endroit peu rassurant, il avait senti tous les muscles de son corps se relâcher brusquement en reconnaissant la source de ces mots. Son cœur martelait sa poitrine, lancé par la frayeur qui l'avait frappé quelques instants plus tôt. Jimin n'avait pas eu peur de mourir ; non. Il ne pouvait pas avoir peur de la mort alors qu'il la chérissait bien plus que la vie elle-même. Il avait juste stupidement peur d'avoir peur. Il redoutait les effets que la terreur avait sur son corps : son organe vital lui faisant mal à battre trop fort, les sueurs froides qui le prenaient, voir même le léger vertige du contre-coup. Il était ce genre de lâche qui préférait fuir les problèmes plutôt que d'y faire face.

    Pourtant, il se retourna et fit face au nouveau venu, qui semblait bien être un problème pour son esprit. Mais bien évidemment, rien n'était encore assez concret dans sa tête pour que Jimin s'avance d'ores et déjà sur ses ressentis. Il savait cependant que son allure le séduisait et que sa présence l'apaisait, pour la principale raison que, sans avoir besoin d'échanger, il se sentait compris. Et il avait cette intuition tapie dans son coeur qu'il en était de même pour l'autre. Le plus petit avait la fâcheuse tendance à se fier à son instinct.

    Un sourire fleurit sur les lèvres gercées et pulpeuses, faisant craqueler légèrement la couche de peau gelée. Le sang remonta à la surface mais ne s'écoula pas, teintant simplement la chaire rosée d'une couleur vermeille. Aucun des deux n'y prêta attention.

    _J'ai cru que tu ne viendrais pas.

    Le coin gauche des lippes de l'aîné se releva doucement, et il lui offrit un regard énigmatique.

æternitas || y.minOù les histoires vivent. Découvrez maintenant