Chapitre IX

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Elle m'avait donné rendez-vous sur le toit d'un des immeubles les plus hauts de la ville, alors que l'aurore n'avait même pas commencé à peindre le ciel de ses douces couleurs pastels. Quand je la rejoint, vers cinq heures du matin, elle était assise sur le rebord du toit, les jambes dansant dangereusement dans le vide.

Quand allais-je enfin comprendre qui elle était ?

-Salut, dis-je alors, à un mètre environ derrière elle. Qu'est-ce que tu fais ?
-J'observe. Je réfléchis.

Toujours ces réponses courtes, simples au premier abord, et pourtant totalement dénuées de sens.

Je m'approchai prudemment d'elle, comme on s'approche d'un animal sauvage dont on craint la réaction. Je jouais la prudence, mais ma curiosité prenait doucement le dessus.

-Pourquoi tu voulais me voir ? Lui demandai-je finalement, laissant suffisamment d'espace entre nous.
-Il fallait que tu saches que j'étais désolée.

Elle se leva.

-Désolée de quoi ?
-Pour tout. J'ai essayé, mais je n'y arrive plus.

Tentait-elle de me rendre cinglé, moi aussi ?

-Je ne comprends pas.
-Moi non plus.

Elle monta sur la rambarde sans grande difficulté. On aurait dit qu'elle avait joué à l'équilibriste toute sa vie, et je tremblais de peur.

-Tu sais, dit-elle, les lumières de la ville me rappellent quelque chose. Quand j'étais petite, je vivais dans une maison de campagne. L'été, on pouvait entendre les rossignols chanter alors qu'ils dansaient dans le ciel.

Elle se mit dos à moi et tendit les bras sur les côtés, comme pour imiter les ailes d'un oiseau.

-On aurait dit une valse.

Je la vis sans pencher en avant, mais j'étais pétrifié.

-L'Univers peut essayer de me rattraper tant qu'il veut. J'irai toujours plus vite que lui.

Je ne pouvais pas bouger.

Mon cœur battait la chamade.

Je savais.

Mais je ne pouvais rien faire.

Et elle se laissa tomber dans le vide.

Je ne connaissais même pas son nom.

La Valse du Rossignol [LRH]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant