Chapitre 1

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Les claxons, ces putains de claxons ! Et les travaux, ces putains de travaux ! Voilà ce qui a fait de mon trajet à pied, un véritable supplice. C'est aussi à cause d'eux que je suis en retard. Les gens ne pensent pas aux personnes à l'ouïe sur-développée ? Question rhétorique bien sûr.

Enfin je vois la boutique ! Allez dix mètres, plus que ces dix petits mètres. Oui, enfin !

Je retire mes boules quies et pousse un soupir de soulagement. Un soulagement de courte durée. En effet, j'ai à peine le temps de passer la porte que déjà Mike me tire par le bras.

- Isis, grouille-toi ! Va chercher les caisses derrière, le livreur est arrivé !

Ma partie primaire se réveille d'un coup, tous les sens en alerte, à deux doigts de prendre le dessus. La peur me noue le ventre . Ça recommence, maintenant il suffit qu'on me frôle pour que je bascule. Dans peu de temps je n'arriverais plus à contenir la bête. Je ne veux pas me faire virer et Mike est mon patron. Je souffle un bon coup. Je dois trouver le moyen de contenir mon besoin de violence, sinon je vais encore devoir déménager. Je me retire le plus délicatement possible de ça prise. Je passe dans l'arrière boutique, une pièce de taille moyenne où sont entassés quelques cartons de produits et le bureau de Mike. J'ouvre ensuite la porte donnant sur l'extérieur, non sans avoir remis mes boules quies auparavant.

Bien qu'en étant en ville, la supérette de Mike bénéficie d'un accès , à l'arrière de la boutique. Les camions peuvent décharger aisément les caisses de ravitaillement, pour renflouer les rayons. J'aide le livreur à décharger tout dans l'arrière boutique. Je commence à ranger en priorité tout les tout les produits frais à leur emplacement près destiné.

Cette petite supérette marche plutôt pas mal. J'occupe plusieurs postes à la fois, de caissière à responsable des rayons. Il faut dire que Cynthia, Bethie et moi sommes seules à nous occuper du magasin, nous échangeons à tour de rôles. Mike lui, vérifie que tout est en ordre. Ce n'est même pas lui qui s'occupe des plannings ni de la gestion des livraisons. Cynthia qui fait des études et n'est là qu'à mi-temps, elle me remplace le jeudi, mon jour de congé. Bethie, travaille à temps plein, c'est le stéréotype de la mamie gâteau. Toujours de bonne humeur, gentille et qui ne manque pas de faire goûter ses gâteaux à la pose! Rien que d'y penser, mon ventre gargouille. Une fois tout terminé, je me dirige vers l'arrière boutique pour prendre ma pause.

                                                                                       * * *

La journée est passée avec une lenteur monstre. Ce soir c'est moi qui fermais. J'ai donc du attendre vingt heures, que les derniers clients soient partis.

J'ouvre enfin la porte de mon petit appart trois pièces. Je jette les clés sur la table, me disant pour la centième fois, que j'ai eu beaucoup de chance de trouver aussi vite ce studio. Petit, il n'en est pas moins fonctionnel. Une cuisinette pourvue d'un îlot-central, ouverte sur un salon au canapé vétuste. Les murs sont marrons et beiges, simple mais agréable. Heureusement que les murs n'étaient pas rose fluo, je n'aurais pas eu les moyens de repeindre. Ayant du quitter précipitamment mon ancien appartement, je n'avais pu prendre aucun meuble. Ma chambre de 10m carrés, n'était donc pourvue que d'un lit simple, que le propriétaire m'avait fourni. Il y avait également une petite table de chevet, chinée au vide grenier, et une armoire. J'aime beaucoup cette armoire, les anciens locataires, l'avaient laissé car ils la jugeaient trop encombrante, m'avait dit M.Edgard le proprio. Elle était ancienne, mais au bois polis sublime. La dernière pièce était la salle de bains, une vasque, un miroir et une douche. Amplement suffisant à mon seul effet.

Quand je repense à mon arrivée ici il y a quelques mois, je peine à rester de marbre. J'errais dans la rue sous la pluie, une trentaine de dollars et mes vêtements pour seule possession. Cette même rue aux pavés glissants que je longe maintenant chaque matin, pour me rendre au travail. J'avais peur, froid et je pleurais. Je savais qu'avec trente dollars, je n'irais pas bien loin. Puis j'avais vu cet immeuble, où je vis aujourd'hui. La pancarte devant indiquait un studio à louer, 150 dollars par mois. J'avais eue une bouffée d'espoir, si le propriétaire acceptait d'attendre pour la caution, je n'aurais qu'à trouver un travail. C'était une aubaine pour moi, je venais de tout perdre. J'avais tout détruit mais la chance me souriait. J'avais sonné au hasard et après avoir brièvement tout expliqué, on m'avait ouvert. Une personne dans le hall de l'immeuble m'avait indiqué que le propriétaire vivait dans l'appartement de l'étage au-dessus, j'ai sonné chez lui. Après tout je n'avais plus rien à perdre.

La porte s'est ouverte, sur un monsieur rondouillet aux fossettes marquées par les années. Les cheveux blancs, le regard souriant, il m'avait accordé une semaine pour trouver du travail et un mois pour le premier loyer, sans caution. Je ne saurais expliquer le soulagement qui m'avais étreint en cet instant . J'aurais pus pleurer de joie . N'importe quel endroit où je puisse dormir, me laver et me nourrir m'aurait suffit. Mais j'avais eue devant moi bien plus, un cadre de vie agréable. La promesse d'un bel avenir sans, de nouvelles souffrances. Mike m'avait donné du travail et au bout de deux semaines, la routine qui dure maintenant quelques mois, s'était installée. Je réchauffe une assiette de pattes aux micro-ondes, avant de l'engloutir. Je fais la vaisselle, retire mes vêtement, enfile une culotte, un tee-shirt ample et m'endors ainsi dans mon lit.

La douleur, la peur, le désespoir, la souffrance, la terreur, la détresse. Les coups, encore et toujours ses coups qui raisonnent comme des tambours. Moi, voûtée, faible, en pleurs. Lui, hurlant à la mort que tout est de ma faute. Chacun de ses coups, qui me plongent de plus en plus dans la détresse et le désespoir. Chacun de ses mots, qui me blessent plus que la lame du couteau, qu'il vient d'attraper. J'ai besoin d'aide, mais personne,  non personne ne viendra, personne n'est jamais venu. Le cauchemar n'en fini pas, je ne vois pas le bout. Il va me tuer. Cette certitude me remplis d'horreur. Je sens alors une colère nouvelle monter en moi. Je deviens imperméable à ses coups, ne sens plus la douleur. Une soif sans nom me saisit. Comme si quelque chose m'appelait. M'appelait à tuer, à faire couler le sang. Je laisse cette colère grandir, me dominer. Encore au sol je ne me sens plus faible. Je me sens comme habitée. Habitée par quelque chose de mauvais. Je ne me contrôle plus, c'est cette soif qui me contrôle. Je vois et je ressens, mais ce n'est plus moi qui bouge. La chose qui m'habite, se redresse d'un coup en grognant. Je vois comme à travers un voile rouge, je sens la haine qui habite cette bête grandir encore. Elle se jette alors sur lui, sans que je ne puisse rien faire. Les crocs et les griffes sorties. Jusqu'à ce qu'il ne bouge plus, ne respire plus, elle s'acharne sur son corps. Quand enfin tout se finit, c'est le trou noir ...

Je me redresse en hurlant dans mon lit. La transpiration suinte par tous les pores de ma peau. Encore, je viens encore de revivre sa mort. Je m'écroule en pleurs sur mon lit. Je n'ai plus pleuré depuis 3 mois, mais ce rêve était trop violent, trop réel. Je ne pleure pas tant pour la violence de ce rêve mais pour ce qu'elle signifie. Elle signifie que la bête se souvient, qu'elle veut encore faire couler le sang. Cette violence signifie que la bête se réveille.

Métamorphe : l'appel de la bêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant