St-Valentin

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Féline avançait rapidement dans les couloirs. Les gardes étaient à leurs postes, comme d'habitude. Elle n'en était pas obligée, en tant que fille du, soit-disant, « patron ». Certains soldats la regardaient comme une fillette, d'autres comme un monstre dépourvu de cœur. Elle l'était en quelque sorte. Une pensée lui traversa l'esprit. Selon ses souvenirs, c'était aujourd'hui le jour de la St-valentin. Ce n'était pas une vrai fête, ça. On fêtait Noël avec sa famille, Pacques pour le retour du printemps (ou simplement pour le célébrer) ; mais la St-Valentin ? On a pas besoin d'une fête, si on aime quelqu'un ! Et si on aime personne, c'est pas grâce à la fête qu'on rencontrera le grand amour. Mais de toute façon, que fait-on quand sa famille n'est constituée que d'un père hypocrite et démoniaque – qui a tué sa mère, de plus – ou quand chez nous, il fait froid toute l'année et que jamais une herbe ne pousse ? De toute façon, il ne fallait pas rêver. Jamais sa mère ne reviendrait. Elle était morte, et au grand regret de Féline.

La jeune femme s'arrêta, arrivée au bout du couloir. Sur la porte, un « FÉLINE » maladroit était gravé, au poignard, se souvint-elle.

Elle entra par la porte, et se retrouva dans son immense et terrible chambre. Néanmoins, elle était son seul réconfort dans cette base depuis la mort de sa mère.

Du haut de ses onze ans, Féline avait vécu beaucoup trop de choses, selon elle.

La fête des amoureux. Son père et sa mère auraient dû être ensemble, ce jour-ci. Ils se seraient embrassés, ils se seraient dit « je t'aime ». Et Féline, elle, n'aurait rien fait du tout. Rien du tout, puisque la jeune fille n'avait jamais aimé personne. Son seul amour avait été sa défunte mère. Elle était si gentille...

Féline s'approcha de son lit et saisit Justice. Son pauvre nounours n'avait plus qu'un œil et était comme un rescapé d'une guerre intérieure qui faisait rage en elle. Son nom était tout le contraire de la vie qu'elle menait, une vie de meurtrier, de voleur, de hors-la-loi. Elle serra la peluche dans ses bras, avant de la placer contre le mur qui lui servait de mémorial à sa mère. Aujourd'hui, elle lui ferait hommage, puisque, bien que mère, elle était le plus grand amour jamais éprouvé de la part de la jeune fille.

Soudain, Féline se retourna, et, en un éclair, décocha une flèche qui vint se planter en plein milieu d'une immense cible. Son entraînement quotidien avait porté ses fruits, elle tirait parfaitement bien.

La fête des amoureux... Maudite comme elle l'était, jamais elle n'était tombée amoureuse et jamais cela n'arriverait. Elle vivrait seule jusqu'à la fin de sa vie, dans la haine et la tristesse... De toute manière, comment pouvait-on tomber amoureux d'une femme qui avait appris à se servir d'une dague avant de savoir lire ? Comment pouvait-on aimer quelqu'un qui vole comme elle ? Même si elle évitait de se faire remarquer, pour éviter d'avoir à se défendre – car elle savait que si cela se produisait, elle tuerait – cela restait un crime, même sur le dos de son père.

Féline sortit sa dague, et grava sur le mur, derrière justice, les initiales de sa mère E.P. pour Elhra Pikloh. Jamais elle n'écrirait le prénom de sa mère devant le nom de son père. Si elle s'était appelée Pikloh, son avenir aurait été différent, elle n'aurait pas été rongée par ce nom qui lui vaudrait la prison et des interrogatoires insurmontables même sans avoir rien fait.

La jeune femme poursuivit, entaillant le métal blanc comme neige. « JE T'AIME, MAMAN », inscrit-elle.

Elle prit le nounours dans ses bras et le sera avec amour comme si il s'agissait de sa propre mère. Lorsqu'elle le reposa, elle vit son reflet dans le mur resplendissant. Ses yeux émeraudes étaient profonds au sein de son pelage noir, ses sourcils étaient presque marqués d'être sans arrêt froncés. Ses oreilles étaient sensiblement penchées en arrière et de fines larmes ruisselaient des yeux de celle qui n'avait pas de cœur.


Voilà, c'était pour le concours de la St-Valentin de Rouge_Gorge .


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