1) Un jour sinistre

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  Il était temps de partir. Je me suis regardée une dernière fois dans le miroir qui ornait ma salle de bain. La personne que je voyais à travers n'était pas moi : elle avait le teint pâle, des cernes sous les yeux et pleurait silencieusement. Malgré son jeun âge, elle venait, pour la première fois de sa vie, de faire face à la réalité. Le choc qu'elle venait d'avoir, cette confrontation à la vie réelle qu'elle venait de subir n'était qu'un grain de sable dans le désert qu'elle devait encore parcourir. Des horreurs l'attendaient, et elle l'ignorait. Des horreurs m'attendaient et je l'ignorais. Si à ce moment-là j'avais su que ce monde dans lequel la cruauté était sans limite allait me réserver le pire des destins et me changer à jamais, je me serai surement reconnu dans le miroir. Je n'étais qu'au début de mon changement.

Je souris tristement à mon reflet, pensant qu'ils ne voudraient pas me voir dans cet état, et sécha mes larmes. Mon père frappa à la porte et entra :

_ Tu viens Méline, il faut y aller ?

_ J'arrive, dis-je sans lâcher mon reflet des yeux.

_ On t'attend dans la voiture ma puce.

_ Ok...

_ Au fait, se rappela-t-il avant de fermer la porte, va voir Marine, elle voudrait te dire quelque chose.

Je me suis enfin décidée à me lever, et suis allée voir ma petite sœur qui hurlait sur son lit, plus parce qu'elle ne venait pas avec nous que par tristesse :

_ Tu es trop jeune pour venir avec nous, tu sais ?

_ Mais... sanglota-t-elle, j'ai six ans et bientôt et demi ! Et puis toi tu y vas d'abord !

_ Marine, c'est normal, j'ai dix ans de plus que toi !

_ C'est pas une raison, bouda-t-elle.

_ On y retournera demain si tu veux. Bon, qu'est ce que tu me veux ?

_ Donne-leur ça de ma part me dit-elle en me tendant une petite boîte en forme de cœur.

_ Tu sais, lui répondis-je, je ne pourrai pas vraiment leur donner.

_ S'il te plait, me supplie-t-elle avec ses yeux trop mignons qui font craquer tout le monde.

_ Bon d'accord, si tu veux. Il y a quoi dedans demandais-je en approchant ma main du couvercle ?

_ Non ! T'a pas le droit, y'a que eux qui peuvent l'ouvrir !

_ C'est bon, calme toi Marine, je ne vais pas l'ouvrir, t'es pas obligée de me crier dessus !

J'ai retiré ma main du couvercle, et je suis partie rejoindre mes parents qui m'attendaient dans la voiture.

*****

On a commencé à rouler, mais mon côté un peu trop curieux à ouvert la boîte en plastique : elle était séparée en deux compartiments, et de chaque côtés il y avait un morceau de papier. Sur le premier, il y avait écrit « Je t'aime mamie Suzanne » d'une écriture maladroite mais appliquée. Sur l'autre, c'était « Je t'aime papi Jacques » de l'écriture qui faisait tant rire mon grand-père. Je remis les petits mots dans la boîte, et refermais le couvercle en retenant mes larmes : ces ridicules morceaux de papiers semblaient insignifiants, mais ils venaient droit du cœur.

_ On est arrivé ma chérie, me dit ma mère.

Je sortis de la voiturepour assister à l'enterrement de mes grands-parents.

A travers le miroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant