Prologue

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- Hmmm...

Un grognement de douleur sort de ma bouche pendant que le marteau piqueur qui s'active dans ma tête m'arrache du sommeil. Ma langue collée à mon palais m'empêche de déglutir et mon estomac émet des gargouillis inquiétants.

J'ouvre la bouche pour prendre plusieurs bouffées d'air et force mes paupières à se décoller. Mes yeux sont immédiatement éblouis par la lumière qui filtre dans mon salon. Finissant par m'en accommoder, je distingue ce qui m'entoure, et surtout ce qui me sert de matelas.

Allongée sur le ventre, je suis affalée sur le corps d'un mec. Je me redresse tant bien que mal en espérant ne pas le réveiller pendant que mes yeux le dévorent littéralement. En employant « corps », j'étais loin du compte, le mec est un dieu vivant. Torse nu, j'ai devant moi une plastique à faire baver la plupart des filles et jalouser les hommes. Des pectoraux sculptés, des tablettes de chocolat à m'en faire saliver et une ligne de poils bruns qui part de son nombril et finit sous la ceinture de son jean. D'ailleurs, celui-ci est ouvert et laisse entrevoir un boxer noir. Le filet de bave qui coule le long de mon menton m'arrache à ma contemplation.

Anaïs arrête de le mater comme ça !

D'un geste de la main, j'essuie ma bouche et me lève. À peine me suis-je mise debout que ma tête se met à tourner. Refermant les yeux, je prends quelques secondes pour respirer doucement. Merde je suis vraiment dans un sale état ! Quand je suis sûre de ne pas tomber dans les pommes, j'ouvre de nouveau les yeux et là, ce que je découvre me frappe de plein fouet. Mon salon est complètement retourné. Sur la table basse trônent des bouteilles vides, des verres à moitié pleins, des restes de nourriture et le cendrier crache des mégots. L'odeur ambiante est écœurante, c'est un mélange de sueur, de tabac froid et de plein d'autres choses que mon cerveau refuse d'analyser. Le sol est dans le même état que la table, à savoir dégueulasse. Des chips écrasées, des tâches d'alcool et du vomi le recouvrent. Mais que s'est-il passé ici ?

Mon regard parcourt le salon plusieurs fois pour évaluer l'étendue des dégâts avant de revenir sur moi. C'est à ce moment-là que je remarque mon accoutrement. Un tee-shirt et une culotte sont les deux seules choses que je porte. Super, Anaïs, t'es à moitié à poil en plein milieu de ton salon ! Pour cacher ma nudité partielle, je me saisis du plaid posé sur le dos du canapé et l'enroule autour de ma taille. Une fois couverte, je me décide à bouger. Un café me fera le plus grand bien ! Pour accéder à ma cuisine, je suis obligée d'enjamber les deux personnes qui dorment par terre sur le tapis, ce que je fais sans me casser la figure. Miracle !

En rentrant dans ma cuisine, la pendule indique treize heures dix. Quel jour sommes-nous ? Samedi ou dimanche ? Vaudrait mieux samedi, j'ai besoin de temps pour faire passer ma gueule de bois. Après avoir déposé une tasse dans la machine et fait couler mon café, je ressors avec celui-ci dans la main. Mes vertiges se sont légèrement calmés et l'odeur qui se dégage de la tasse m'apaise. Je suis... comment dire ? Bon, je suis une droguée au café, je l'avoue ! La première gorgée m'arrache presque un gémissement de bonheur. Appuyée contre l'encadrement de la porte, je dois faire peur à voir avec ma dégaine et mon expression de shootée. Mais au vu de l'état de mon salon, je me dis que je colle plutôt bien au cadre. La table à manger a été poussée dans un coin et une fille s'en sert comme d'un lit. Les chaises sont allongées par terre et plusieurs objets très privés sont posés autour. Mais que s'est-il passé ? Pourquoi je me suis réveillée à moitié à poil sur mon canapé alors que ma chambre est à droite? Et surtout, où est Amélie ?

Amélie est ma colocataire et accessoirement ma meilleure amie. Mon mal de tête m'empêche de réfléchir normalement et tous mes souvenirs sont flous. Putain de gueule de bois !

Je me mets à pouffer toute seule en réalisant une chose. La situation, mon état et ma dégaine sont la copie conforme du film Very Bad Trip. Tout le monde en le voyant s'est déjà dit : ouais ça doit être trop cool ce genre de soirée ! Ben je peux vous le dire, le réveil est dur le lendemain, et ça craint ! Par chance, mon café commence à faire effet et je me détends. Fermant les yeux, je profite de ma quiétude et de mon breuvage tout en repensant à ce que nous avons vécu ces neuf derniers mois. Notre vie est bien différente maintenant, nous avons pris un virage à cent quatre-vingts degrés. Est-ce bien ou mal ? Je ne sais pas trop, je dois me poser et faire le point sur « tout ça ». Ma mère me disait toujours : « Anaïs, chaque action entraîne des conséquences » et ce n'est que maintenant que j'en prends pleinement conscience. Rien ne sera plus jamais pareil. Ma vision de la vie a changé, « j'ai » changé. Comme si le verrou de mes souvenirs avait sauté, ils m'assaillent d'un seul coup et défilent devant mes yeux pendant que les questions fusent dans mon esprit. Et je suis automatiquement prise au piège dans le film de ma vie. Pourquoi ? Comment ? Que nous est-il arrivé ? Nous les filles sages, limite coincées vivant une vie calme et bien rangée sommes devenues l'exact opposé de ce que nous étions. Mais quand est-ce arrivé ? À quel moment le changement est-il devenu irrémédiable ? Quand le « tout ça » a-t-il dérapé pour nous transformer à tout jamais ?

Pour le savoir, je vais vous faire comprendre le sens du « tout ça », je vais vous faire emprunter le chemin que j'ai moi-même pris et je vais vous raconter mon histoire. Alors seulement à ce moment-là, vous saisirez ce qui nous est arrivé.


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