Chapitre 1 : Le commencement

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Septembre 2005

J'ai rencontré Amélie à l'époque où je ne portais pas encore de soutien-gorge, mais des culottes en coton, ah une époque merveilleuse ! C'était le premier jour de ma rentrée en quatrième et je m'en souviens comme si c'était hier. Appuyée contre le mur devant la classe, je lis Harry Potter. À fond dans l'histoire, plus rien n'existe autour de moi jusqu'à ce que j'entende un toussotement.

Relevant la tête de mon livre, je la vois. Installée dans la même position que moi, elle a la tête baissée et se triture les doigts. En la découvrant, je ressens une bouffée d'espoir. Elle surgit du plus profond de moi et m'envahit de part en part.

C'est bizarre, je l'avoue, mais il faut que vous sachiez une chose sur moi. Je ne suis pas... comment dire ? Je ne suis pas très appréciée par les autres élèves. Non pas que je ne sois pas sympa, mais mon attitude de fille studieuse les rebute. À croire que le fait d'aimer l'école soit quelque chose d'interdit et mal vu.

Mais où est le problème si j'aime être assise devant et être la meilleure ? Je suis sûre que le terme « fayotte » vient de franchir vos lèvres et que vous avez envie de me huer. Oh ce n'est pas joli-joli ça ! Donc, imaginez ce que peut être le comportement des autres vis-à-vis de moi. Je suis mise à l'écart et ignorée donc oui, je me sens seule et en la voyant en face de moi, je me dis que peut-être, je dis bien peut-être, elle peut être comme moi. Ne dit-on pas que l'espoir fait vivre ? Sentant sûrement mon regard sur elle, elle relève la tête et nos yeux se rencontrent. Alors qu'elle me sourit sincèrement, les autres élèves envahissent le couloir. Ils piaillent, se racontent leurs vacances et les derniers potins à la mode. Comme je m'y attends, personne ne me calcule. Super, Anaïs, encore une année qui démarre bien ! L'arrivée du prof les fait taire et nous prenons place en classe.

Installée sur ma chaise, je range correctement mes affaires sur la table quand la fille du couloir s'assoit tout naturellement à côté de moi. C'est avec un grand sourire que je me tourne vers elle et elle en fait autant. Cette fille est comme moi, je le sens dans toutes les fibres de mon corps. À chaque rentrée scolaire, le protocole veut que les élèves se présentent et remplissent une fiche d'identité et bien sûr nous y avons le droit. Mais heureusement le professeur rend l'épreuve plus vivante. À la façon d'un speed dating, nous avons dix minutes pour nous présenter à la personne assise à nos côtés. C'est comme cela que j'apprends qu'elle se prénomme Amélie Trivard, qu'elle a quatorze ans et qu'elle vient d'arriver en ville. Fille unique, sa mère est institutrice et son père comptable. Je note consciencieusement les informations sur la feuille prévue à cet effet puis me présente à mon tour : Anaïs Deschamps, quatorze aussi, fille unique de parents libraires, Amélie note également tout et à la fin de l'entretien, le doute n'est plus permis, cette fille est comme moi. Vous pensez encore au terme fayotte je me trompe ? On est beaucoup à être comme ça !

Le cours fini, c'est tout naturellement que nous prenons la direction du self ensemble. Nous nous installons à l'écart des autres et nous faisons connaissance. Notre discussion est celle d'ados : nos goûts musicaux, nos activités extrascolaires (violon pour moi, danse pour elle), nous échangeons autant d'infos que nous le pouvons. Une fois le repas fini, j'en connais pas mal sur elle et inversement. À partir de ce moment-là, nous devenons inséparables. C'est nous contre le reste du monde. Bon, j'exagère un peu, mais vous voyez où je veux en venir, enfin j'espère...

Les années suivantes sont comme les précédentes et nous arrivons au lycée en duo, choisissant la section scientifique, nous atterrissons par chance dans la même classe et heureusement. Nos camarades sont quelque peu bizarres, on pourrait penser qu'en Scientifique, les élèves sont des matheux, mais non pas forcément ou en tout cas, chez nous, ils ne le sont pas. Ici, nous, nous avons les sauvages, la reine des abeilles et sa cour, alors forcément, nous sommes encore plus cataloguées ! Nos étiquettes de « lèche-culs » nous collent littéralement à la peau. Supporter l'indifférence est dure quand on a que seize ans. Nous avons envie de faire partie du lot, d'avoir une vie sociale, c'est logique non ?

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