Décembre tristesse - partie 2

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Décembre tristesse - 2

- Nell -

Du bonheur en paillettes.

Du bonheur qui brille de mille feux, mais qui s'envole au moindre coup de vent.

À la fin de la vidéo, je serre un peu plus fort le téléphone portable entre mes doigts et ferme les yeux. La voix de Lula s'arrête sur un « Je vous aime tellement que j'en crève » qui me donne la sensation de mourir à mon tour. Intimidée, je n'ose pas regarder Sully.

Comment peut-il réagir à une telle nouvelle ?

— Elle se fout de notre gueule, c'est pas possible, lance-t-il d'un ton blasé.

Comme un gros con.

Voilà comment il peut réagir.

Toute cette mise en scène donne sûrement à Sully une impression de mascarade, de canular. Comme si Lula était cachée dans un placard de la chambre et s'apprêtait à en sortir en riant et en hurlant : « Je vous ai bien eus, bande de nuls ! ».

Malheureusement, ça n'arrivera pas.

De ce qu'en disait ma meilleure amie, Sullivan Cartwright n'est pas le genre d'homme à montrer ses émotions.

Le cliché de base du mec, quoi.

Apparemment, il préfère cacher ses casseroles derrière un rictus et ses peines derrière quelques vannes sarcastiques. Acerbe et parfois même insolent, Sully parvient toujours à avoir le dernier mot et c'est sans doute ce que je déteste le plus chez lui. Pourtant, lorsqu'il se lève brutalement et fait voler dans la pièce le vase contenant les fleurs qu'il a offertes à Lula la veille, je découvre un aspect de lui que je ne connais pas encore. Mes yeux voguent jusqu'aux tulipes jonchant le sol ne sachant que faire, que dire.

Je me sens tellement impuissante en cet instant.

— T'en penses quoi, toi ? demande Sully, perturbé par le contenu de la vidéo. Franchement, on sait très bien qu'on n'est pas obligé de le faire. C'est stupide. Totalement stupide ! Je veux dire... Lula est morte. Rien de ce qu'on fera ne changera quelque chose à ça. Elle ne va pas venir nous chatouiller les pieds la nuit parce qu'on n'a pas réalisé sa dernière volonté. Pas moyen qu'elle nous en veuille alors qu'elle croupit six pieds sous terre.

N'en sois pas si sûr, Sullivan !

Sully me donne l'impression de se parler à lui-même. Il fait les cent pas dans la minuscule chambre, sa main glissant sur sa barbe de trois jours. Je n'ose pas intervenir, préférant le laisser cheminer seul.

— Nell, dis quelque chose ! T'es plus loquace d'habitude.

— Justement, aujourd'hui n'est pas une journée banale. Et si t'es là en train de te poser mille et une questions c'est parce que tu sais très bien ce qu'on doit faire. Tu sais parfaitement que tu ne te pardonneras jamais d'avoir snobé la dernière volonté de ta meilleure amie. Alors voilà le problème Sully. Ce genre de décisions doit se prendre ensemble. Et ni toi ni moi n'imaginions un ensemble après Lula.

Les mots « après Lula » font frissonner Sully qui se frotte vigoureusement l'avant-bras.

— Alors quoi, on se bouge et on le fait ? demande-t-il comme à bout de souffle.

— Pourquoi pas ? Se voir une fois par mois pendant un an. Ça fait quoi ? Douze fois. Je devrais survivre. Peut-être même que toi aussi.

Mon ironie le fait grimacer. Nous sommes tombés des nues lorsque la vidéo enregistrée par Lula a annoncé : « Je sais déjà que vous êtes super heureux à l'idée de ne plus devoir vous supporter mais vous savez quoi ? C'est pas juste. Je veux que vous tentiez de conserver un lien. Je ne veux pas que vous abandonniez comme ça, au premier obstacle. Vous vous aimez bien en fait et vous le savez pertinemment. Vous êtes juste trop cons et trop bornés pour l'avouer. Alors faites un effort, c'est la dernière chose que je vous demande. J'ai préparé pour vous douze sorties. Une fois par mois pendant un an. Si après ça vous ne voyez pas l'intérêt de continuer à vous voir alors oui, je m'avouerai vaincue ».

START AGAIN (sous contrat d'édition - Plumes du web)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant