Décembre tristesse - partie 3

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Décembre tristesse - 3

- Nell -

J'attends sur le parking près de l'église, mon regard dans le rétroviseur intérieur. Ce traître me laisse apercevoir mes traits tirés, les cernes que je n'ai pas réussi à camoufler et mon teint blême. Ces trois derniers jours ont été un véritable calvaire. Je n'ai que peu dormi. Je me suis tournée, retournée, encore et encore, sans réussir à déconnecter mon cerveau. Et lorsque je parvenais à fermer les yeux durant quelques minutes, je me réveillais en sursaut, trempée de sueur, la respiration haletante, malheureuse comme les pierres.

Dieu que ce vide au creux de ma poitrine me fait souffrir !

Je ne peux même plus appeler Lula pour lui raconter mes malheurs.

Je suis désespérément seule.

J'ajoute une pointe de rouge à lèvres corail pour me donner bonne mine. En réalité, c'était plutôt un cache misère. Rien ne peut camoufler ma peau blafarde.

Lorsque je remarque les parents de Lula près du porche, je me décide enfin à sortir de la voiture. Pourtant, je me sens godiche, vêtue d'une robe vert émeraude alors que toutes les autres personnes portent des tenues aux couleurs bien plus sombres. Prenant mon courage à deux mains, je me rappelle des paroles de ma meilleure amie : « Pas de couleurs tristes pour mon enterrement. Je veux du jaune poussin, du bleu pétrole, du rouge carmin. Un peu d'originalité, nom de Dieu ! » Porter une teinte si vive est une manière de lui rendre hommage.

Quand j'arrive auprès des parents de Lula, ceux-ci discutent déjà avec Sully qui, comme moi, a tenu à respecter la volonté de notre amie. Vêtu d'un très beau costume à la veste bleu roi, lui aussi dénote avec le reste des personnes présentes à l'enterrement.

— Tu es divine, Nell, assure Liv avec un sourire triste.

— Lula serait tellement heureuse de vous voir tous les deux aussi élégants, ajoute Carter.

Sully hoche simplement la tête tandis que les cloches se mettent à résonner et que le corbillard s'approche du porche de l'église. Les parents de Lula s'éclipsent dans la foule afin d'accompagner le cercueil.

Et moi...

Je n'arrive pas à avancer.

J'observe ceux qui ont souhaité un dernier au revoir à Lula et en reconnais un bon paquet. Des anciens professeurs, des camarades de promo, des collègues de travail... Tous ces visages fermés démontrent que Lula Harrison a eu son petit effet durant ces vingt-six années sur terre. Les revoir dans de telles circonstances me déstabilise. D'ici quelques minutes, je vais devoir parler de Lula devant tous ces gens, évoquer mes plus intimes sentiments en un discours que j'ai méticuleusement préparé la veille.

— Tu viens ? s'impatiente Sully.

Je suis étonnée qu'il ait daigné m'attendre. Il aurait pu me devancer et me laisser plantée devant l'église.

Tout à coup, un violent haut-le-cœur me coupe le souffle. Je ne vais jamais réussir à pénétrer dans ce lieu de culte. Les retardataires entrent encore et moi, je traîne la patte. Sully s'approche de moi et attrape mon avant-bras pour me faire avancer.

— Viens ! intime-t-il comme si cela allait suffire à m'encourager.

Brutalement, comme glacée par ce contact, je retire mon bras et, sans crier gare, j'éclate en sanglots. Je m'adosse au mur extérieur de l'église, une main sur la bouche, les yeux dans le vague, des larmes explosant déjà de toutes parts. Je me laisse glisser jusqu'à me trouver fesses sur les gravillons. Le respiration erratique, je tente tout de même de prononcer quelques mots.

START AGAIN (sous contrat d'édition - Plumes du web)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant