L'avènement d'une nouvelle ère

70 4 0
                                    


_______Vienne, printemps 1583.

— Herr Professor ! Une missive pour vous.

Levant le nez de son ouvrage, le professeur regarda son jeune assistant lui tendre une lettre. D'un geste distrait, il remit ses bésicles en place et se replongea dans son travail. Le manque d'intérêt qu'il portait au monde extérieur quand il se concentrait sur le brochage de ses livres décontenançait toujours quelque peu son assistant. Ce n'étaient pas les artisans relieurs qui manquaient autour de l'Université, pourtant son maître persistait à relier certaines de ses notes lui-même. L'occupation l'aidait à se concentrer et mettre ses idées en forme d'après lui.

— De qui est-elle ?

Sortant de ses rêveries, le jeune homme retourna l'enveloppe à la recherche d'une quelconque indication sur l'origine de la missive.

— Le nom de l'expéditeur n'est pas spécifié, Professor. Néanmoins, le sceau est frappé des lettres GC. Cela vous dit-il quelque chose ?

Le professeur s'interrompit et releva légèrement la tête, le regard perdu dans le vague.

— Les initiales sont-elles entourées de trois fleurs de lys ?

— Et bien. Oui, il y a bien trois lys sur le sceau.

— Il doit s'agir de Guillaume Claveau, répondit-il, ses mains se remettant à la couture de son livre. Depuis sa nomination au Collège Royal de Paris, ce vantard a cru bon de prendre l'emblème de l'établissement pour signature. Que me veut-il ?

Le jeune homme resta interdit quelques instants, l'enveloppe toujours cachetée entre les mains. Le professeur lui avait fait remarquer qu'il attendait des prises d'initiative de la part des assistants, mais il s'agissait là d'une correspondance privée.

— Dois-je l'ouvrir ?, demanda-t-il d'une voix mal assurée.

— Il va m'être difficile de tenir la lettre tout en manipulant mon aiguille, répondit calmement le professeur. Alors, à moins que tu n'aies un don te permettant de voir à travers le papier, oui, je te suggère d'ouvrir l'enveloppe.

Ce léger camouflet fit monter le rouge aux joues de l'assistant. Décachetant le sceau, il ouvrit l'enveloppe et en tira la lettre. Une écriture fine avec de nombreuses fioritures s'étalait sur les deux pages d'une feuille. Le texte n'était pas rédigé en allemand mais en français, ce qui allait l'obliger à traduire le texte à la volée. Il s'éclaircit la gorge et commença la lecture :

— Mon très cher et estimé confrère, je suis ravi...

— Passe les mondanités veux-tu ?

— Très bien, Professor.

Il parcouru rapidement la page et repris sa lecture trois paragraphes plus bas.

— J'ai récemment eu la chance d'assister à un bien étrange phénomène. Après moult réflexions il m'est venu à l'esprit que nous pourrions le rapprocher de ceux qui...

— Stop., intima le professeur.

Les yeux plissés, il se pinçait l'arête du nez avec désolation.

— Grands Dieux, son style d'écriture ne s'est pas amélioré avec le temps. Par pitié pour nous deux, pourrais-tu faire l'impasse sur son... emphase et ne conserver que les faits, demanda-t-il d'une voix lasse.

— Entendu, Professor, lui répondit son assistant, un léger sourire sur les lèvres.

La réaction du professeur, d'ordinaire si calme, l'amusait. Il lui était également reconnaissant car le style ampoulé du Français était un véritable calvaire à traduire.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Mar 16, 2017 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

City Hall - La chute d'un mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant