Promesses

Ma promesse : Le tuer

-Il a encore recommencé...

Sa voix n'était qu'un souffle tandis qu'il passait délicatement sa main sur ma joue à l'endroit où le bleu s'était formé. Je ne le repoussais pas. J'avais pris l'habitude de son côté tactile.

Tout le monde savait. Tout le monde voyait. Tout le monde comprenait. Mais personne n'intervenait. Les histoires des Inférieures n'étaient pas pour eux. C'étaient aux Inférieurs de régler leur problème. A la famille de s'en charger. Au père de famille de s'en occuper. Si j'avais été face aux dirigeants de notre monde, à ceux qui avaient formé les lois, je leur cracherais au visage. Seul le père de famille avait le pouvoir. Seul lui pouvait tout arrêter. Mais il était bien souvent celui qui faisait régner la terreur.

Mon cas n'était pas une exception, loin de là. D'autres vivaient la même chose. Beaucoup d'autres. Mais personne ne changeait rien. Les lois étaient les lois.

-Oui.

Contrairement à lui, ma voix était calme et claire. Je n'étais plus faible. Je ne m'apitoyais plus. En vérité, mon état m'indifférait. Je m'en sortais toujours bien. Pas elles. Sully finissait souvent à l'hôpital. Je n'avais que des blessures négligeables comparées à elles. Surtout à Sully. Je devais me venger. Un an. Un an que je m'y préparais sans y parvenir. Je devais y arriver. Vite. Je prenais trop de temps.

-Pourquoi ?

Sa voix était toujours un souffle. Il était peiné pour moi. Il souffrait de me voir ainsi. Bien que je lui dise constamment que ce n'était rien. Il n'était jamais du même avis. Il se préoccupait tant de moi. Alors que j'étais une Inférieure et lui un Supérieur. Cependant, il n'avait jamais vu les choses ainsi. Ni lui ni ses amis qui étaient devenus les miens aussi. Ils étaient différents des autres qui cherchaient à nous éviter. Eux se mélangeaient sans grande difficulté. Peut-être n'avaient-ils pas reçu la même éducation que les autres Supérieurs.

-J'ai protégé ma sœur, déclarai-je sur le même ton qu'avant.

-J'aimerais tant t'aider...

Il était sincère. Mais les règles étaient les règles. Les Supérieurs n'avaient pas le droit d'intervenir. Même eux ne pouvaient les défier. Ce serait faire tomber toute sa famille avec. Et rien ne comptait plus que la famille. J'en savais quelque chose.

-Ne t'en veux pas. Tu n'y peux rien.

-Tu ne comprends pas... Murmura-t-il si bas que je doutai qu'il s'adressait réellement à moi.

Je n'eus pas le loisir de l'interroger davantage la sonnerie nous avertissant que nous devions nous rendre en cours retentissait et les retards n'étaient pas très bien vus.

Dès la fin des cours, je me ruai à l'hôpital voir ma sœur. J'espérais qu'elle soit à présent réveillée. Elle avait passé la nuit à dormir, ce qui m'avait grandement inquiétée. Cela lui arrivait de plus en plus souvent. Le temps m'était compté, j'en prenais de plus en plus conscience. Elle ne tiendrait pas indéfiniment.

Je soufflai avant d'entrer dans sa chambre. La voir allongée m'était toujours difficile même avec les années. J'étais celle qui devait y être.

Elle était réveillée et j'en fus soulagée. Son regard était empli de tendresse à mon égard mais aussi, tout comme moi, de soulagement. Elle avait perdu conscience avant de voir la fin de la discussion plutôt animée, ce qui expliquait sa réaction. J'avais pris la gifle juste après. Elle ne sembla remarquer mon bleu qu'après quelques secondes et son visage se ferma. Mais elle ne dit rien. Comme à son habitude. Ma sœur ne m'en parlait jamais. Elle attaquait directement mon père. Je n'approuvais pas mais j'avais une fois tenté de l'arrêter et sa colère m'avait dissuadée de le refaire. Je devais la laisser faire ses choix, tout comme elle me laissait faire les miens.