Les rayons de soleil transpercent les rideaux opalins. Ils parviennent à mes yeux et les agressent doucement. Les chants d'oiseaux trouvent mon oreille, et, je me souviens, je me rappelle, de ces jours où elle se levait très tôt pour entendre leurs sifflotements mélodieux et d'une beauté pure et rare. Alors, quand elle s'allongeait sur une couverture pourpre à fleurs, ses yeux brillaient si forts. C'était la huitième merveille du monde, rien ne pouvait égaler la lueur qui régnait dans ses iris innocentes un matin d'été. La couleur de la couverture et ses cheveux détonnaient tellement. Ces matins là, je me levais avec elle et je prenais plaisir à la prendre en photo. Les photos, c'est tout ce qu'il me reste. Des fragments de seconde immortalisés dans des clichés uniques. Des moments qui ne reviendront pas, qui s'envolent avec les gens qui disparaissent injustement.
Je peine à sortir de mon lit. Une nouvelle journée, une nouvelle douleur, un nouvel échec, une nouvelle envie de mourir, un nouvel espoir qui s'envole.
-Salut m'man. arrivé-je à murmurer à hauteur de ma mère
-Salut Si'. Je te fais des toasts ?
-Pas faim. lâché-je en me laissant tomber sur une chaise
-Tu as bien dormi cette nuit ? Mmh... Je ne veux pas faire la rabat-joie mais tu dois prendre tes médicaments. dit ma mère doucement, dans un murmure
-Ce n'est pas pour être méchant mais tu es rabat-joie. Ça sert à rien les médocs m'man, tu devrais l'savoir depuis l'temps.
-Tu n'as pas essayé Si', tu ne peux pas dire que ça ne marche pas.
-Si j'ai essayé, ça m'a fait dégueuler toute la journée. Et puis je sais tout c'que vous pensez.
-C'est faux Sirius. Je sais ce que tu veux sous-entendre.Je me lève et pousse la chaise avec nonchalance. J'attrape mes chaussures et les enfile rapidement.
-Tu fais quoi Si' ? s'inquiète ma mère
-Je vais me promener.
-En pyjama ?
-Bah... Ouais. Il y a un problème ?
-Va t'habiller, c'est plus... Adapté.
-Pas selon les règles de Sirius Julliard.Sur ces mots, je quitte la pièce et me retrouve sur la petite terrasse en bois. Je descends les quelques marches et m'élance dans l'allée de gravillons. Je vois un garçon qui semble affolé au loin. Il ressemble au type bizarre d'hier... Icare. J'ai l'impression qu'il se rapproche de moi.
-Mon petit frère, Icare, est parti. Tu ne l'aurais pas vu ? Grand, maigre, les cheveux bleus.
-On a parlé hier soir. avoué-je avec indifférence
-Vraiment ? dit-il avec une lueur d'espoir
-Oui, il est reparti après s'être présenté.
-Merci beaucoup, si tu le vois, tue le pour moi.J'affiche un sourire triste... Comme si un meurtre n'était pas suffisant.
•••
Enfermé dans ma chambre très étroite, les mains derrière la nuque, je songe. Je songe à la vie, à la mort et à toi. Je me dis en boucle que c'est pas toi qui devrait être sous terre mais c'est moi. J'ai pas le mérite d'avoir cette vie, cette mère et puis merde, je n'aurais jamais dû naître. Je suis un échec, un échec qui tue en plus.
Je me suis motivé à sortir de cette maudite chambre, pour me balader dans ce maudit camping avec ces maudits gens. Je vais dans la salle de bain qui est encore plus petite que ma chambre. Les murs sont rose bonbon, couleur qui me donne envie de vomir mais surtout qui me fait penser à toi. Tu mettais des vêtements roses tous les jours, c'était impressionnant, j'avoue que j'ai eu beaucoup de mal avec ce rose. Mais maintenant que tu n'es plus là, je porte tous les jours quelque chose de rose, un bracelet, des chaussures, un pantalon même quelques fois. Je me glisse lentement dans la cabine de douche. Le contact avec le sol froid de la douche me donne la chaire de poule. Je m'empresse de faire couler l'eau. L'eau ruissèle sur mon corps qui n'est qu'une vaste épave à présent.
Je me regarde dans le miroir. Ce visage pâle et maigre comme tout le reste de mon corps. Je vois dans ce miroir, le monstre qui lui a enlevé la vie. Ce monstre n'est autre que moi. Je sens la rage grignoter chaque parcelle de mon corps. Et j'entends cette voix qui me répète sans cesse :
"Minable que tu es, allez vas-y, je sais que tu veux te faire du mal, crevard. Vas-y frappe, cogne, c'est tout ce que tu mérites. Meurtrier, assassin, ta place est avec elle."
Une douleur saisit ma main, je la regarde et la vois ensanglantée, écorchée par des morceaux de verre. Sans m'en rendre compte, je viens de briser le miroir avec mon poing. Emporté une nouvelle vague de rage, je renfonce mon poing dans ce qui reste du miroir. Nouvelles coupures. Je m'écroule par terre tandis que ma mère tambourine à la porte. J'entends ma mère crier à l'aide. Je ne me suis même pas rendu compte que j'étais en train d'hurler. Je prends quelques morceaux de verre éparpillés au sol et me les enfonce partout dans mon corps.
"Ce n'est pas moi" me répété-je en boucle
Je n'entends plus ma mère crier, je suppose qu'elle est partie et qu'elle veut me laisser crever comme un chien que je suis.
-Sirius, c'est ton nom, c'est ça ? demande une voix depuis l'extérieur
-Ta gueule ! hurlé-je en mettant mes mains mes oreilles
-Je vais devoir forcer la porte Sirius, il faut que tu sortes.
-Laissez-moi tranquille... murmuré-je en pleurant très fort
-Es-tu blessé ? demande l'hommeJ'essaye de me convaincre à ouvrir la porte. Alors je me soulève et avec le peu de forces qu'il me reste, je tourne la clé. La porte s'ouvre.
-Putain de merde. lance le frère d'Icare à qui j'ai parlé tout à l'heure
J'entends ma mère accourir.
-Sirius ? Pourquoi as-tu fait ça mon coeur ? sanglote ma mère en s'agenouillant à côté de moi
Je pleure tout doucement, comme un enfant qui n'a pas eu le jouet qu'il voulait. Je tente de me relever, alors ma mère et le frère d'Icare m'aide dans cet effort. Ma mère est chirurgienne mais elle a mis sa carrière en suspend après sa mort. Ils me conduisent jusqu'au canapé, je m'écrase dessus avec un petit hoquet de douleur à cause des nombreuses coupures. Ma mère demande au jeune homme de me surveiller pendant qu'elle va chercher la trouve de secours.
-Moi c'est Armin. Comment te sens-tu ? demande-t-il en s'asseyant parterre
-Mort et vivant à la fois. dis-je en baissant la têteMa mère rentre en courant dans la pièce, trousse de secours sous le bras et les yeux rougis par les larmes. Elle va se laver les mains, puis revient, elle prend le gel hydro-alcoolique et en met une grosse noisette au creux de sa paume. Elle frotte énergiquement ses mains et remonte sur ses poignets. Elle demande à Armin d'ouvrir l'emballage des gants, chose faite, elle les enfile.
-Désinfectant. ordonne-t-elle
Le contact du désinfectant sur mes coupures me fait légèrement grimacer. Elle fronce les sourcils tant elle est concentrée. Elle prend des sutures adhésives et en met sur les coupures moins profondes. Et puis le moment que je déteste le plus arrive : les points de sutures. J'ai horreur de ça. Alors quand je la vois prendre l'aiguille avec le porte-aiguille, je sens mon coeur cogner très fort.
Maman part se laver les mains, Armin me fait les bandages. Il est très gentil et très doux. C'est officiel, Sirius Julliard ressemble à une momie.
•••
Je glisse un rouleau cancérigène entre mes lèvres abîmées. Je porte la flamme de mon briquet jaune canari au bout de la cigarette. La fumée qui emplie ma bouche. Je laisse le nuage toxique et anthracite s'évaporer de ma bouche. Armin est à côté de moi. Il me parle de lui, de son frère.
-Icare, c'est quelqu'un d'incroyable... Il marque une pause. Incroyablement chiant. rigole-t-il tandis que la fumée s'échappe de sa bouche
-Comment ça ?
-Il part et puis il revient. Sans prévenir, sans raison.
-Comme l'océan.
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I care
Teen Fiction-Tu attends quoi Icare ? -La vie. Deux adolescents, une vielle camionnette, quelques oreillers, deux couvertures, une pincée d'amour mais surtout des chips au wasabi.