Le Dimanche des Jonquilles

♪ Prologue ♫

Ava ....

La pulpe de ses doigts parcourant mes épaules dénudées. Son pouce caressant mes lèvres rosâtres. Ces paumes rugueuses, plaquées sur mes joues, encadrant mon visage. Ses yeux whisky plongés dans les miens. Ses lèvres et ce rictus qu'elles formaient lorsqu' il me souriait de ses dents écrues. La chaleur de sa peau lorsque nous étions collés l'un à l'autre regardant cette immensité bleue. Tous ces signes me disaient :  "embrasse moi !". C'est là que son souffle chaud irradiait mon visage et me faisait sourire à mon tour, que seulement quelques centimètres séparaient nos deux aimants destinés à se rencontrer.

 Je ne veux plus... Je ne veux plus penser à ça, à lui, car c'est fini, c'est impossible."C'est comme ça" l'on m'a dit. "Ce n'est pas ta faute" m'avait-on répété. "Ça va passer" avais-je entendue.Si  ces dires sont vrais alors pourquoi je souffre encore le martyre ?

Cette douce voix suave qui murmurait des mots doux à mon oreille je l'entendais en continue, elle me suivait partout, ne voulait plus me quitter, me laisser continuer à vivre en paix. Elle s'était accaparée de mon corps tout entier et je n'avais pas réussi à m'en débarrasser.

J'étais restée trois ans sans aucun contact, sans rien dire. Devenue une ombre parmi tant autres. Je m'étais laissée envahir par cette chose que l'on appelle dépression, elle m'avait engloutie comme un serpent avale un éléphant. Je m'étais perdue dans les profondeurs de ces mers qu'autrefois j'admirais au loin. J'avais bousillé trois années de ma misérable vie dans un centre psychiatrique.

Un filet translucide d'amertume coula sur ma joue droite, puis un autre sur la gauche. Je mordis mes lèvres jusqu'au sang, j'avais terriblement mal. J'avais reçue un  coup de pioche en plein cœur mais rien n'avait était semé. "Des gens qui disparaissent c'est tout les jours, mademoiselle" d'après les mots de ce satané chef de police. Perdre sa moitié ça arrive tous les jours ça ? On s'était bien foutue de ma gueule.

Vulnérable, j'avais plongé sauté dans cette immensité bleue et vaseuse et j'y étais resté coincé. Je ne pouvais plus reprendre mon souffle,  sortir mon visage de l'eau pour respirer le parfum de la vie. J'étais enchaînée dans ces fonds marins sombres qui me hantait encore aujourd'hui. Il fallait que j'en sorte et vite pour retrouver l'immensité bleue du ciel et non celle de la mer.

"Ava tu es un véritable ange..." m'avait-il susurré à l'oreille autrefois. Je l'avais écouté le sourire aux lèvres, gênée par ses compliments qui aujourd'hui me paraissaient douteux.