QUATRE

920 91 27
                                    

La rage au ventre, je reprenais ce que j'avais entrepris il y a longtemps. Un sac de sport sur l'épaule, la démarche vive, je me dirigeais vers le studio de danse dans lequel j'avais fait pratiquement mes premiers pas. J'étais énervée et je savais que ce n'était pas la danse suggestive que j'allais faire ce soir qui allait me calmer. Le studio était désert, tant mieux. Je mettais le son à fond et ne pris même pas le temps de m'échauffer, je ne l'avais pas, ce temps.

Mes membres étaient en pilotage automatique. Pendant trente minutes, je me sentais libre. La blanche colombe s'était libérée de sa cage. J'occupais tout l'espace, mélangeant hip-hop et classique. J'ai eu le temps de planer, c'est le crash. Je m'étalais de tout mon long au sol, lessivée. Et encore, je ne me sentais pas totalement soulagée, il fallait que je tape sur quelque chose. Je m'imaginais alors en train de taper dans un sac avec des gants et savais que c'était cela qui me fallait dans le fond. Mais pas aujourd'hui, j'étais bien trop épuisée. C'était à peine si je pouvais marcher. Mes muscles étaient endoloris et le seul mouvement que je pouvais faire m'extirpais une grimace. Quelle idiote, j'aurais vraiment dû m'échauffer.

Une ombre me surpris du coin de l'œil, me faisant légèrement sursauter. C'était Alice. Toujours aussi belle et toujours aussi fine, son juste-au-corps mettait son buste élancé tellement bien en valeur. La jalousie m'écorchait de nouveau. La Nature faisait vraiment bien les choses. Elle semblait vraiment hébétée de me voir ici, notre lieu de prédilection lorsqu'on était encore amies. Elle s'asseyait en tailleur à côté de moi à même le sol et soupirait, rompant ainsi le silence pesant entre nous.

« T'es une putain de chanceuse, il a écrit une chanson sur toi... »

Murmurait-elle avec un sourire narquois. Je mis un temps à comprendre ce dont elle voulait parler et lorsqu'enfin ce fût le cas, je ricanais tout en secouant la tête.

« - Je m'en serais bien passée, pour ce qu'il dit...

-    Quand il est venu te voir, il a discuté avec toi ?

-    Je lui ai même mis une gifle... »

Moment de silence puis éclat de rire dans la salle. Je me joignais à elle, comme au bon vieux temps. Elle soufflait un « tu n'as pas changé » entre deux rires tout en se tenant le ventre. Quant à moi, je pleurais de joie, parce que je l'avais retrouvée, j'avais retrouvé ma meilleure amie.

***

« Betty, pourquoi t'es en retard bordel de merde ? Ce soir c'est super important, tu le sais en plus ! »

Crie-t-il sur moi. C'était la première fois en six mois que je voyais Malcolm dans un tel accès de colère. Il était sur les nerfs, je pouvais le comprendre mais ce n'était pas une raison pour m'en vouloir autant. J'avais perdu la notion du temps avec Alice, on avait décidé de prendre un verre et me voilà dans le « bureau » de mon patron en rogne.

Il s'était d'ailleurs rapproché de moi de telle façon à ce que je sois adossée à un mur. Son regard était noir et sa mâchoire était serrée, je pouvais l'entendre grincer des dents. Il encadrait mon visage de ses bras, s'appuyant sur le mur derrière moi. Je devais l'avouer, j'avais extrêmement peur à ce moment-là.

« Qu'est-ce que tu avais de si important à faire ? Tu te faisais sauter par ce rappeur de pacotilles là ? C'est ça ? »

Silence de ma part alors que ses paroles faisaient l'effet inverse dans mon corps. J'étais bouillante de rage mais ne faisais pas trop la maline car la domination, c'était lui qui l'avait, malgré moi. Si j'étais un homme, là je ne me serais pas interdite de répondre. Sauf que là, il était en position de force et j'étais soumise à cela. Triste condition féminine.

AquarelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant