Une lettre sans prétention

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1er Août 1916,

Au fin fond de l'enfer ( la Somme ).

Salut Thibaut,

Bientôt un mois que je ne t'ai pas donné de nouvelles. J'ai bien reçu ta lettre et je ne sais pas comment tu as pu penser que j'étais morte, je ne compte pas te lâcher de si tôt ! Te faire chier est une de mes plus grandes passions ! J'espère que tu vas bien ainsi que toute ta famille. Certes je suis épuisée, sale, et pas très jolie à regarder, j'ai même des poux (et dire que je n'en n'avais pas eu depuis la primaire) ! Mais je suis en bonne santé et je ne présente aucune blessure grave.

Aujourd'hui, cela fait un mois que l'enfer nous engloutissait. Des milliers d'obus nous tombent sur la tête, les gaz rodent autour de nous et le temps s'acharne, cela va faire 2 semaines que nous n'avons pas dormi au sec. Les tranchées sont remplies de boue, nous dormons, mangeons, faisons nos besoins et mourrons ici, dans ces tunnels de la mort. Ta sœur maniaque de propreté en aurait fait une crise cardiaque, c'est moi qui te le dis. D'ailleurs tu lui passes le bonjour de ma part.

Je t'écris cette lettre pendant un temps de repos. Ces derniers jours ont été horribles, je sais que je me plains souvent, mais là je t'assure que c'est affreux. Marie, Dylan et Taylor ont été fauchés par les nouvelles armes mises au point récemment, les mitraillettes. Alexandre, Hugo, Esteban et Vic ont succombé aux gaz toxiques. Léa et Charlotte sont mortes de faim. D'ailleurs niveau nourriture, c'est pas joli joli, on peut compter ses côtes, et surtout, j'ai terriblement envie de chocolat. Nina et Tristan ont subi de graves blessures et ont été évacués en urgence. Jade et Maya ont, elles, été sanctionnées pour avoir tenté de fuir cet enfer et rejoindre leur famille respective. Malgré ces pertes abominables nous gagnons du terrain, petit à petit, doucement mais sûrement comme on dit ! Ces satanés Boches ne nous lâchent pas.

De nouveaux camarades arrivent chaque jour, de plus en plus jeunes, certains savent tout juste tenir un fusil. Pourtant nous nous soutenons du mieux que nous pouvons en essayant de ne pas penser à ce qu'il pourrait se passer le lendemain. Des amitiés fortes se créées, comme quoi, on y trouve au moins un point positif.

Moi qui avais horreur du sang, je suis servie. Hier ma camarade, Éva se tenait juste à côté de moi, puis j'ai entendu une grenade arriver, je ne l'ai pas prévenue assez tôt, elle s'est écroulée dans mes bras...

J'en riais tout à l'heure, mais cette guerre est épuisante, je t'avoue que je suis à bout. Les conditions de vies sont extrêmes. Et puis, je fais la fière, mais j'ai peur, je n'ai aucune envie de mourir, mais si cela devait arriver ( même si cela n'arrivera pas ), j'aurais combattu avec honneur. Je tiens à dire que suis fière de faire partie des forces militaires françaises ( bien qu'à la base je voulais être pilote de chasse...) Pour la France, pour la liberté, pour notre amitié qui dure depuis maintenant plus de 12 ans !

Te souviens-tu de notre année de troisième ? Gab était en seconde à Holloway, toi à Olympia, tandis que Selena et moi étions à Joffre mais pas dans la même classe. Nous étions toujours collés tous les quatre, les meilleurs amis du monde n'est-ce pas ? C'était le bon temps. J'ai gardé la photo que nous avions prise sur la plage cette année là. C'est elle qui me fait tenir, c'est vous qui me faites garder espoir. Je rentrerai vivante (après en seul morceau, c'est une autre histoire...) Je reviendrai quand nous aurons gagné la guerre.

Les allemands sombreront, c'est une promesse...

Tu as intérêt à avoir du chocolat quand j'arrive !

A plus le bro', ta chieuse préférée

Un chapitre d'une vie O.SOù les histoires vivent. Découvrez maintenant