Chapitre 1

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Je me réveille, la joue appuyée contre la vitre du bus. Je me redresse aussitôt et rajuste mes lunettes, priant pour que personne ne m'ait vue. Le voyage était long et la nuit a été courte : évidemment, je ne pouvais que m'endormir. Je maudis mon anxiété, héritée de ma mère, qui m'a empêchée de dormir plus de deux heures, au lieu des huit heures habituelles. En contemplant l'extérieur du véhicule, je remarque que nous sommes déjà en ville. Quelques rues plus loin, je reconnais mon arrêt. Immédiatement, je saisis ma valise et demande au conducteur de s'arrêter.

Une fois sur le trottoir, je tente de me familiariser avec le paysage : les avenues sont bordées d'immeubles qui se ressemblent tous. Ou du moins, c'est mon impression. Les passants se pressent, d'autres courent, mais personne ne se bouscule. J'essaie de pénétrer dans la foule, timidement, mon téléphone à la main m'indiquant l'itinéraire.

Une dizaine de minutes plus tard, je fais face à un immeuble beaucoup plus petit que les autres : à en juger par sa taille, il ne doit y avoir que deux étages. Je vérifie une vingtième fois l'adresse : pas d'erreur, c'est bien ici. La rue est étroite et sombre, mais au moins, nous sommes au calme, contrairement à celles que j'ai dû traverser pour arriver ici. Je sens mon cœur s'emballer à l'idée de ce qui m'attend : tous les doutes qui m'ont empêché de dormir la nuit dernière, reviennent au galop. Comment sera mon colocataire ? Vais-je me plaire ici ? Et si je ne parviens pas à m'entendre avec les habitants de l'immeuble ? J'aplatis mon doigt sur la sonnette, afin de faire taire mes incertitudes. Quelques instants plus tard, un homme d'une cinquantaine d'années vient m'ouvrir.

- C'est pour ?

- Bonjour Monsieur, je suis la nouvelle colocataire de l'appartement n°6.

- Ah, je t'attendais ! Entre, je t'en prie, je vais t'accompagner.

Il me tutoie ? Dès notre rencontre ? Je hausse les épaules : ce n'est pas comme si ça me dérangeait particulièrement.

Je suis docilement le concierge qui me guide jusqu'au second étage. J'avais donc vu juste : il n'y en a pas d'autres. Les escaliers sont en colimaçon et les murs sont recouverts d'une vieille tapisserie. C'est loin d'être un immeuble de luxe, mais je m'y étais préparée.

Une fois devant la porte de mon appartement, le concierge me délivre les dernières informations.

- Voilà, c'est ici : tu devras payer ton loyer tous les 26 du mois et ne le donner qu'à moi-seul. Normalement, tu as un double des clés à l'intérieur : je les ai laissées à ta colocataire.

Ah, c'est donc une colocataire ?

- J'espère que tu te plairas ici ! Si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis au rez-de-chaussée, appartement n°2.

Je le remercie chaleureusement et attends qu'il disparaisse dans les escaliers, pour évacuer mon stress. Il faut que je me calme : j'ai besoin de faire bonne impression. Mes doigts posés sur la poignée tremblent : mon propre corps ne semble pas convaincu. Pourquoi est-ce si difficile de mettre ma timidité de côté ? Tant pis, la vieille méthode suffira : je fonce et je paniquerai ensuite. Je frappe à la porte, mais personne ne répond. J'essaie une seconde fois : toujours rien.

Je m'imagine déjà expliquer à ma mère comment je me suis retrouvée coincée hors de mon appartement, dès le premier jour.

Je me décide à actionner la poignée, en espérant qu''elle ne soit pas verrouillée. La porte d'entrée s'ouvre. Je laisse échapper un soupir de soulagement.

Le hall d'entrée est un simple couloir : deux portes me font face, tandis que la troisième se trouve plus à gauche. A ma droite, le corridor donne sur une pièce ouverte : je m'avance, pour découvrir un salon et une cuisine, si petite qu'elle en est ridicule. A la droite de celle-ci se trouve une petite pièce, qui ressemble plus à un placard qu'autre chose. Tout est extraordinairement exigu : j'en rigolerais presque. Je laisse tomber ma veste sur le canapé, tout en me demandant où se trouve ma colocataire. A-t-elle été prévenue de mon arrivée ?

Au second étageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant