La foule face à la Guerre

Cela se passe à Besançon en 1914, la Guerre vient d'être déclarée. Une abondante foule se trouve devant la mairie.

Je me trouvais là, au milieu de cette foule bruyante et agitée. Je ne parvenais pas à distinguer les mots qui étaient écrits sur la grande affiche, qui avait été collée sur le mur en face de nous. Malgré cela, dès mon arrivée sur la Place de la Mairie, je compris de suite de quoi il en retournait. Les Allemands et nous, les Français allions combattre; c'était la Guerre qui commençait.
Des hommes et des femmes criaient, juraient, ils voulaient tous écraser les « Boches », c'était le surnom donné aux Allemands. J'étais bousculée de tous les côtés, par toutes les personnes, qui étaient devenues comme enragées, enragées par le désir de vengeance, depuis 1870. Il y avait également de jeunes enfants, qui ne comprenaient pas ce qu'il se passait, mais qui imitaient les adultes, en se joignant à la foule, en hurlant. L'un d'eux était tombé, bousculé mais personne ne s'en souciait, sauf une femme qui l'aida à se relever et à s'extirper de la foule. Moi, je n'y arrivais pas; il n'y avait aucun passage assez grand pour que je puisse partir. Je ne pouvais même pas faire un pas, à part quand les bousculades m'y obligeaient, entraînant toute la foule.
Un homme, à côté de moi, hurlait des insultes qui visaient les Allemands. Je n'appréciais guère cet état d'esprit. Pour moi, la guerre n'était que le fruit de la haine envers autrui. Mais pourquoi cette haine ? Les gens ne pouvaient-ils pas cohabiter dans la paix, quelles que soient leurs origines et quelle que soit leur religion ? Combien de temps durerait cette guerre ? Quelques semaines ? Quelques mois ? Quelques années ? Un demi-siècle ? Ou plus encore ? Les gens d'ici disaient que la Guerre allait se finir vite et que la France allait sortir victorieuse... peut-être qu'ils avaient raison, ou peut-être pas. Les Allemands allaient-ils envahir la France ? Sûrement. Mais dans combien de temps ? Allaient-ils venir semer la terreur, ici à Besançon ? Personne ne le savait mais chacun avait peur.
Je me posais tant de questions. Soudain, un coup violent me sortit de ma pensée. Je me fis bousculer brutalement et je sentis ma tête se fracasser contre le sol, puis, plus rien.