"Le masque est si charmant que j'ai peur du visage"

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Peut-être qu'un jour j'arrêterais de plaire à des gens qui ne m'aiment pas, peut-être que je cesserais de faire ce qui ne me plaît pas et que sûrement ma vie en sera plus belle. S'il y a bien une chose que je ne pourrais jamais comprendre, c'est l'importance que les gens nous accordent, comme si leur avis définissait qui nous sommes. 

Toujours être bien apprêté, toujours être parfait, sans un cheveu qui dépasse et sans un pli sur une chemise. Toujours ce sourire en plastique sur ce masque trop lourd pour tenir sur notre visage. Toujours ses gestes et ses faux-pas que nous nous obligeons à faire. Toujours cette impression de ne pas correspondre aux attentes que les gens ont fondé de nous. Toujours cette perfection qui nous entoure. Porter constamment notre costume de super-héros et ne jamais le laisser au placard à prendre la poussière. Ne pas oublier de cirer ses bottes magiques, dont nous avons tant besoin pour nous élever, bien réajuster ses ailes avant de s'envoler. Chaque parole, chaque pensée peut être utilisée contre notre volonté. 

Quand on demande à une connaissance de garder un secret, cette personne est plus apte à nous trahir en le répétant qu'à se dire "tiens, cette personne a confiance en moi, je ne vais rien dire". Bing! C'est comme ça que naissent les faux-amis. Appelés aussi "focus", "hypocrites" ainsi que d'autres surnoms assez mesquins, ils nous empoisonnent la vie et nous la rendent impossible. Ils n'ont pas réellement conscience de ce qu'ils font pour la plupart, mais les gens ne méritent pas d'être amis avec des personnes pareilles. Il ne faut jamais trop s'attacher aux gens. Ils nous bercent d'illusions. Noyé de leurs tendres paroles et de leurs mots doux, ils nous rendent accro et paradoxalement heureux. Et l'instant qui suit, ils s'en vont, seule la douleur nous envahie. Les souvenirs. Les larmes. La tristesse. Et notre vie vide qui continue.

A notre naissance, un masque nous couvre le visage. Ce masque est magnifique, fait d'un tissu précieux et assez coûteux, d'une forme et d'une couleur différente selon notre personnalité. Les masques nous définissent et ce sont eux qui régissent nos vies de manière incontrôlée. Ils ont le contrôle. Quand nous grandissons, les masques deviennent plus gros. Avec les petits mensonges et les gros bobards, ils s'agrandissent et un jour, pour certains, ils exploseront en milliers de petits morceaux colorés. Quand nous apprenons la vérité au sujet d'une personne, d'un événement, ou tout simplement de quelque chose qui nous entoure, notre cœur en prend un coup, un morceau du masque part. Ce morceau, petit et indéfinissable par rapport aux autres, disparaît dans la nature, se cache derrière un arbre, une colline peut-être.

Mon masque s'est fissuré à de nombreuses reprises. Un des moments les plus marquants de l'histoire de mon "voile" pourrais-je dire, est certainement le moment où je l'ai enlevé. Dévoiler la personne que nous sommes, tout en ayant une peur effroyable de ce que les autres peuvent penser de nous est sûrement pire que de se mettre nu pour la première fois devant quelqu'un. D'une valeur inestimable, il protège tous nos sentiments, mais aussi nos émotions, nos joies comme nos peines. Tant d'espérance placé en un si insignifiant objet. 

Mes yeux s'ouvrent dans l'obscurité d'une pièce de taille moyenne. Je me relève, replace une mèche de cheveux derrière mon oreille et contemple de mes yeux de chats le store blanc qui me lie secrètement à cette lune que j'admire chaque nuit. Je me déplace silencieusement jusqu'au rebord de ma fenêtre, tire sur le rideau métallique et enjambe la bordure de mon échappatoire pour me frayer un chemin vers ma porte de salut. Comme toutes les autres nuits, je pourrais sortir, partir en direction du lac et m'endormir en comptant les étoiles de la voûte céleste. Mais pas ce soir. J'ai mal aux pieds, je suis épuisée et par-dessus tout j'ai l'impression qu'on a pressé mon crâne dans un étau en métal. 

Je laisse mes doigts effleurer les divers posters accrochés sur les murs de ma chambre. Bob Marley me regarde en tirant sur son pétard, Eminem me fait un doigt d'honneur et Kurt Cobain chante d'un air passionné en me souriant. Comme si ces instants volés sur des bouts de papier allaient m'arriver. Bobby est mort depuis plus de quarante-ans, Kurt depuis vingt-ans et Eminem a quarante et quelques. 

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 16, 2017 ⏰

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