L'emménagement

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Lorsque Marie avait acceptée la proposition de Chimène, elle n'avait pas réalisé que ça prendrait des proportions aussi énormes. Elle avait été très enthousiaste à l'idée de vivre avec quatre de ses meilleures amies IVL dans un cadre idyllique. Marie connaissait les quatre autres filles depuis au moins trois bonnes années. Elles s'étaient rencontrées sur un forum littéraire et ne s'étaient plus lâchées depuis. 3 parisiennes et deux bordelaises, la colocation promettait d'être intéressante. Mais...une vie à cinq est une vie dangereuse.

Revenons au présent. Marie se tenait maintenant à la gare, devant Chimène, valise en main et sac à l'épaule. Chimène (Chichi ou Mène pour les intimes) était une jeune fille de 20 ans, petite mais athlétique, en possession d'une Clio et d'un riche language. Marie se tordit en deux pour lui faire la bise, et la suivit au rythme de son babillage jusqu'à la fameuse voiture.

-Tu verras Marie, la maison est vraiment super, la cuisine est hyper bien aménagée et il y a vue sur la mer, tu te rends compte?!

-C'est sûr qu'avec cinq budgets réunis, ça s'organise mieux, grinça l'autre en balançant ses affaires dans le coffre. 

-Tu vas découvrir les joies de la vie à plusieurs, c'est une grande première non? Haha c'est trop génial!

Et sans aucun souci de la sécurité routière, Chimère appuya d'un coup sec sur l'accélérateur, fonçant en ligne droite vers la sortie du parking de la gare. Plaquée au fond de son siège, hésitant à demander son permis à la conductrice, Marie lâcha un rire nerveux et se tint bien coite, tandis que Chimène transgressait tout le Code de la route en un temps record, sans cesser de lui parler. 

Au moment où le vomi commençait à s'annoncer, Chichi pila devant une allée bordée de pins, ombragée et couverte d'aiguilles (de pin).

-Nous sommes arrivées! Les parisiennes sont déjà là, précisa-t-elle en s'extirpant de sa machine infernale avec souplesse.

Le teint vert et les bagages à sa suite, Marie tangua vers la maison en tâchant de ne pas s'étaler dans le fossé. Chimère, pas plus bouleversée que ça, était déjà arrivée à la porte, et criait:

-My est là! Venez lui dire bonjour les filles! 

Aussitôt, deux fusées jaillirent de l'entrée en hurlant:

-MYYYYYYYYYYY!!!

L'intéressée eut à peine le temps de se demander si elle avait le temps de retourner à la gare avant le dernier train ne parte, qu'elle fut renversée par les deux fusées citées précédemment.

-Pitié, râla-t-elle en se roulant par terre, j'ai déjà survécu à la conduite de Chichi, ne m'achevez pas!

-Allons My, susurra Cléophée avec un sourire moqueur. Tu es bien fragile...

-Clé, arrête de l'embêter c'est ta fiancée! Ricana Fumy en écrasant le ventre de la victime.

-Ma femme, plus exactement, rectifia Marie avec un gargouillement de mourante.

Cléophée l'aida à se relever. C'était une blonde à lunettes grande et mince, 18 ans à son actif, et accessoirement l'aimée de l'écrasée. 

Fumy était une fille plus petite, les cheveux châtains, adoratrice de séries.

Tandis que ces deux-là époussetaient Marie et que Chimène emportait ses valises à l'intérieur, Yan se montra. L'air endormi, l'oeil hagard, la bave aux lèvres, elle venait visiblement de se réveiller d'une sieste. Ayant repéré l'épave qui se faisait propreter par sa femme et Cléophée, elle clama un "b'jour" et alla se servir un verre de jus de pomme.

Ayant repris ses esprits et son honneur, Marie put constater que Chimère n'avait pas menti: la maison était ancienne, mais solide et spacieuse. Terrasse, étage et vue sur la plage. Quoi de mieux? Un dîner.

Au même moment, Chimène passa la tête par une fenêtre (sûrement celle de la cuisine), et se mit à yodler pour avertir que le dîner était prêt. Le repas fut fameux, Marie pu enfin vomir, et Fumy dansa sur une tarentelle italienne au dessert. Après le sixième verre de vin, Cléophée se mit en tête de chanter une chanson russe, ce qui remporta un franc succès.

Suite à cela, Yan demanda à se coucher, et se roula en boule directement sur les genoux de Fumy. Chimène versa le reste des pâtes sur la tête de Cléophée (trop bourrée pour s'en rendre compte) et lui offrit du shampoing en dédommagement de sa connerie. Tout le monde atterrit finalement dans une chambre, plus ou moins propre et plus ou moins intacte, et des ronflements sonores agitèrent la bâtisse jusqu'à 11h du matin. 

Ça commence bien, la vie à cinq.

L'asile IRLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant