Lueur cendrée

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" Le désespoir est le suicide du cœur ; et de même qu'en Silésie on ensevelit la face contre terre celui qui s'est suicidé, l'homme en proie au désespoir laisse retomber vers la terre, où il n'est pas encore, son visage qu'il devrait tourner vers le ciel qu'il a perdu, le ciel qui lui est et qui lui sera toujours ouvert. "

- Jean-Paul Richter


Là.

Le Blanc. Tout était blanc autour de Gray. Un son électronique de faible intensité brisait l'ambiance aseptisée avec un intervalle parfait. Il sentait groggy, lourd et malade. Il avait l'envie de vomir. Il peina à ouvrir les yeux, une action aussi énergique qu'un port d'une lourde valise dans des escaliers.

Le Brouillard.

Papillonnant des yeux, il remarqua cette pièce d'hôpital extrêmement blanche, propre et impersonnelle.

« Pourquoi suis-je ici ? »

Il voulut se relever mais son état physique et le bandage au poignet gauche le firent renoncer tout mouvement.

Ce bandage. 

Il était relié au Baxter d'eau physiologique placé sur la barre de fer amovible prévue à cet effet. Il était maculé d'une unique tâche de sang. D'un seul coup, la mémoire de Gray se raviva telle une blessure que l'on fait saigner en arrachant la croûte.

La réunion.

Les anciens amis.

L'alcool. 

La lame.

L'échec.

Sans qu'il puisse contrôler quoique ce soit, le jeune homme se mit à pleurer. En silence, les larmes roulaient sur ses joues pleines avant de chuter dans le vide et de mourir absorbées sur le tissu du drap qui le recouvrait à trois-quarts. La main droite se posa sur les lèvres afin d'étouffer au mieux le sanglot qui s'apprêtait à accompagner le son régulier du monitoring cardiaque.

« Gray ? »

Son sang ne fit qu'un tour dans ses veines avant de se figer. Il releva sa tête vers la voix masculine qui semblait inquiète.

Spencer.

Ses yeux noisette-sombré contenaient de l'inquiétude et quelque chose que Gray ne sut pas identifier. En dessous de ses grands yeux se développaient deux cernes bleus. Spencer portait une chemise blanche sous un chandail bordeaux. Il tenait son cartable de cuir par sa bride. Sa veste brune en laine était sous son bras gauche. Le jeune homme hospitalisé frotta ses yeux pour essayer de garder ses larmes pour lui. Il soupira pour se donner courage. Il savait qu'il était venu in extrémis, qu'il l'avait vu dans un état misérable.

« Spence'... »

Il le prit comme une autorisation à entrer dans la chambre. Il alla côté gauche du lit d'hôpital. Il déposa son sac au pied de la chaise et sa veste sur le dossier. Il s'assit en silence non sans regarder son ami. Gray, quant à lui, ne fixait que ses mains qui serraient le drap immaculé. Personne ne l'avait compris jusqu'à présent.

Après quelques minutes, il osa croiser le regard de Spencer. Furtivement.

Ce regard. 

Une incitation à tout déballer sans en avoir honte.

Pleine Lune et Attentes briséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant