JANVIER

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ELLE

     Il est 23 h 30. Le calme du campus contraste bien avec les cris des étudiants bourrés dehors qui s'amusent en se baladant de fête en fête.

     En traînant mon meilleur ami, totalement ivre, sur mon épaule, j'avance péniblement dans les couloirs déserts du dortoir pour ramener ledit « maître de la boisson » dans sa chambre et enfin rentrer chez moi. Mais visiblement, mes prières n'ont pas dû être assez fortes, car en entrant dans le petit appartement, je tombe nez à nez avec celui que j'aurai préféré éviter ce soir : son colocataire. Ou comme j'aime aussi le nommer : mon oppresseur.

     Ce dernier est assis sur le canapé-lit, vêtu seulement d'un jogging et uniquement d'un jogging, lisant un bouquin dont je n'arrive pas à distinguer le titre à cause de l'obscurité de la pièce. On dirait que je ne suis pas la seule à passer un Nouvel An pourri.

     Merde, j'aurais dû rester chez moi à regarder de vieux films pourris en sirotant de la vodka à m'en brûler la gorge comme je l'avais prévu. Non, au lieu de ça, je dois jouer au baby-sitter. Pire encore, je vais devoir subir la présence de ce sale connard arrogant.

     Lui et moi nous regardons une seconde et je me rends bien compte qu'il ne va pas m'aider avec l'ivrogne sur mon épaule. En effet, en me voyant en galère, ce dernier décide de m'ignorer et de fixer son regard sur son téléphone, indifférent à la scène qui se déroule devant lui. Connard !

     Bien sûr, qu'il ne va pas m'aider. Après tout, ce n'est pas comme si l'homme que je portais sur mon épaule pesait deux fois mon poids et pouvait m'écraser, me réduisant en poussière s'il en avait l'idée. Wow, mais quel gentleman !

     J'avance donc pour refermer la porte derrière moi tout en prenant soin de ne pas faire tomber mon ami. Une fois devant le matelas, je pousse le cadavre qui me sert d'ami dessus en tombant avec lui par la même occasion. J'avoue que ce n'était pas prévu, mais cela me permet de soulager mes jambes endolories d'avoir porté pendant vingt minutes quelqu'un de plus lourd que moi.

— J'ai mal au ventre, grinche l'ivre en se pliant en deux.
— S'il dégueule, c'est toi qui nettoieras, gueule l'autre con depuis le petit salon.

     J'avais oublié à quel point cet appartement est indiscret. En plus d'une absence totale de portes, les murs sont fins. Très fins. Bonjour, l'ambiance quand tu ramènes un plan cul !

— Ok, M. Propre !

     C'est vrai qu'en plus d'être maître dans l'air, de faire chier son monde, le colocataire de mon meilleur ami a tendance à être un grand maniaque du contrôle. Et ça vaut aussi pour le ménage. Monsieur veut que tout soit propre et droit. Alors, je lui ai donné le surnom de M. Propre. Ça lui va comme un gant !

     Après une recherche sous l'évier de la kitchenette, j'apporte un sceau pour le poser au sol près de la tête de mon ami en passant devant ledit M. Propre lui montrant le sceau d'un sourire hypocrite comme simple réponse à sa remarque désobligeante.

     Reportant mon attention sur mon ami et à l'abri du regard de l'autre enfoiré - oui, je suis un peu rancunière - je constate que je n'ai même pas pris la peine de m'occuper de lui convenablement. La moitié de son corps pend du petit lit et le pauvre est encore habillé pour aller dehors alors qu'il est censé aller dormir. Donc, en bonne amie que je suis, je lui retire sa veste et ses chaussures pour le mettre à l'aise. Mais pas plus, parce qu'il ne faut pas déconner non plus. Loin de moi, l'envie de voir son « gros calibre », comme il aime le nommer.

     Alors que j'ai du mal à lui ôter sa deuxième botte, ce dernier me lance de la voix la plus pâteuse qui soit :

— Oh... tu veux faire ça vite. Petite coquine !

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