Prologue

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La fumée s'élevait, âcre et noire, aussi poisseuse qu'un cauchemar. L'incendie rongeait les murs dans un grondement terrible et oppressant. Un corps brûlait, se tordant sous l'assaut du feu, et seul son regard d'un bleu glacé semblait épargné par la lente combustion.

Sa main, calcinée et ornée d'une lourde chevalière, s'abattit sur l'épaule de Victoire. Elle hurla sous la morsure des flammes. Une succession de cris convulsifs, de souffrance pure, tandis que le feu faisait fondre sa chair. Et alors que le brasier laissait place à un plafond aux poutres vermoulues à peine discernables dans l'obscurité, le hurlement, lui, continua.

Une plainte irrépressible, entrecoupée de brefs pleurs, qui ne s'acheva que lorsque des bras enserrèrent son corps frêle en une étreinte. Des doigts frôlèrent ses joues pour y ôter les larmes qui y roulaient, se perdirent dans ses cheveux emmêlés par sa lutte onirique.

— Je suis là, Victoire. Je suis là, tu ne crains rien.

La poitrine de la jeune femme se soulevait à un rythme effréné. Un gémissement s'échappa de ses lèvres, tandis qu'un élan de culpabilité comprimait tout son être.

— Comment fais-tu... pour... pour vivre avec ça ?

— Victoire...

L'air entrait si vite dans ses poumons qu'elle en avait mal. Elle étouffa un sanglot. Elle aurait aimé arracher son cœur pour ne plus avoir à ressentir cette détresse permanente. Cette peur qui la réveillait en sursaut la nuit, qui rendait ses gestes hésitants, qui la faisait trembler au bord d'une abîme infinie.

— Comment fais-tu pour vivre... après avoir tant de fois donné la mort ?

— Chut, calme-toi. Tu ne risques plus rien. Ce n'était qu'un mauvais rêve. Respire, ferme les yeux, concentre-toi sur ma voix...

Peu à peu, les battements affolés de son cœur s'espacèrent, sa respiration se fit plus régulière.

— Comment... ? chuchota-t-elle encore d'une voix brisée.

— Dors.

Victoire s'effondra lentement dans les bras de Charles.

L'ancien Mercenaire caressa doucement la joue de la jeune femme, de nouveau endormie. Il aurait tant aimé que les choses se soient passées différemment. Mais ils ne pouvaient plus faire machine arrière. L'un comme l'autre, ils avaient perdu une partie d'eux même.

— Je suis désolé, murmura-t-il.


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Me voilà de retour pour la suite des aventures de Charles et Victoire, avec un prologue assez court. Je suis très heureuse de poursuivre cette histoire avec ce second tome, et j'espère que vous prendrez autant de plaisir à la lire que j'en ai à l'écrire. Comme toujours, n'hésitez pas à donner vos impressions. ;-)

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