Poupée de Vert

Lettre à la joie

"Bonjour Emma,

Moi aussi je souris quand je te lis tu sais? Tu rayonnes, même par écrit. C'est une jolie qualité. Je t'avoue que j'ai eu un peu peur de t'avoir effrayée avec ma description extrêmement pessimiste de moi-même, mais apparemment non. J'ai été soulagé en recevant ta lettre, c'est vrai. Va falloir que je me fasse au principe de la lettre moi aussi, et que je prenne un peu mon mal en patience...

J'aimerais bien te voir danser un jour. En attendant, tu peux continuer à me raconter tes souvenirs s'il te plaît? C'est tellement agréable... Tu devais être jolie en petit justaucorps vert! Une petite poupée de vert ;). Et non, je ne compte pas commencer la danse, même si tu tentes de m'inciter à le faire. Je t'assure que la grâce a fui mon corps quand elle m'a vu naître...

Moi et la lecture, c'est une sorte d'alchimie bizarre. Je suis un espèce d'ours habituellement, je grogne pour m'exprimer, je ne suis pas très bavard de toute façon, et mes mâchoires carrées me font paraître très imposant. Mais quand je lis, je m'adoucis tellement qu'on aurait presque l'impression de voir une autre personne. C'est rigolo comme transformation. Puisque tu m'as partagé un de tes souvenirs d'enfance, c'est à mon tour!

Je devais avoir huit ans, j'avais encore des joues rondes et des iris velouteux. Je ne bavassais pas beaucoup déjà, mais j'étais un peu plus causant que je ne le suis maintenant. Je détestais lire, aussi étrange que ça puisse te paraître maintenant. J'étais un peu comme toi, les lettres et les mots n'avaient pas encore cet effet un peu étrange sur mon cerveau. Je ne lisais que les livres qui me passionnaient, et ils étaient très très rares! Mais une fois, alors que j'avais fini plus tôt un exercice barbant sur les accords des noms, je me suis approché du "Bac-bibliothèque" qu'on avait au fond de la classe et j'ai un peu farfouillé dedans, sans grand intérêt, pour m'occuper les mains en fait... Et puis je suis tombé sur le livre qui m'a insufflé mon envie de lire. C'était un livre... qui parlait de livres. Il usait de métaphore pour décrire des romans, d'images qui me parlaient beaucoup. C'était une minuscule nouvelle, de quelques pages à peine, mais je le connaissais par cœur a force de le relire (mon passage préféré c'était: "J'ai vu un livre s'envoler, comme un petit oiseau rebelle, s'enfuir de la cage de la raison pour les cieux de l'imaginaire. Il s'envola grâce à ses plumes de mots, à ses ailes de pages. J'ai vu un livre libre"). Je suis sûr que tu devrais le lire, il te plairait!

À bientôt j'espère!

Saphir"