Dans la chambre du premier étage

11 2 0
                                    

Dans la chambre du premier étage, l'air frais sentant le parfum vieillit et le bois enveloppe celle qui repose dans le grand lit. Cela fait très peu de temps qu'elle est là, immobile.

Des voix provenant du couloir traversent les murs de la petite pièce ; des éclats de mots que de toute façon, personne ici ne peut plus entendre.

"-Il faut que je rentre, ils se doutent déjà que c'est moi, mais je dois quand même éviter de leur faire avoir plus de soupçons.

-Ne t'inquiète pas, je m'occuperai bien d'elle.

-Elle n'a besoin de rien, en fait. Juste... Ne la laisse pas trop seule ; elle l'a été trop longtemps... Même si elle ne te répond pas, ne te voit pas... Ne la laisse pas, s'il-te-plaît.

-Je monterai la voir tous les jours, tu peux compter sur moi !"

Une pause ; il se mord la lèvre, soupire.

"Merci... Merci infiniment."

Il prend la vieille femme dans ses bras et se laisse rassurer un temps par sa très vague odeur d'orange, comme quand il était enfant, puis, rentre dans la chambre.

Elle est là. Il s'étonne de se voir soulagé par cette constatation ; où aurait-elle pu aller ?

Mais elle est si proche. Si calme. Il a peur que cette vision se brise en morceaux s'il fait un mouvement trop brusque ; tant de choses se sont déjà brisées, et lui avec...

Pourtant, il sait que le songe qui s'étale devant lui, aussi beau en apparence soit-il, n'a rien de normal. Elle est trop calme. Depuis trop longtemps.

Il se penche à son oreille, hume un peu son parfum, puis chuchote, comme une promesse secrète :

"Je reviendrai."

Alors il se dirige vers la porte, pose sa main sur la poignée, et se retourne pour la regarder encore une fois, mémoriser chaque parcelle de cette fille qui a détruit sa vie. Ses paupières closes, ses cheveux en batailles, sa peau très pâle.

Puis il passe la porte.

________

Dans la chambre du premier étage, une raie de lumière slalome entre les lourds rideaux pour donner vie à la photo d'un couple d'antan souriant, accrochée au-dessus de celle qui repose dans le grand lit. Cela fait quelques temps qu'elle est là, immobile.

Des pas lourds, espacés et douloureux s'approchent de la chambre. Une vieille femme entre, salue, et va enfin repousser les tissus qui empêchent le soleil de passer.

Elle vérifie que la carafe posée sur la table de chevet est bien remplie d'eau, retire la poussière du verre qui lui tient compagnie.

"J'espère que vous avez bien dormi !"

Personne ne lui répond ; une mouche se jette contre la vitre.

"Moi j'ai de plus en plus mal au dos, mais c'est l'âge, que voulez-vous."

Elle ne peut s'empêcher d'attendre un signe, n'importe quoi qui lui prouverait qu'elle ne parle pas dans le vide, qu'elle sert encore à quelque chose. Mais comme d'habitude, elle se contente d'attendre en la regardant dormir.

Elle discute encore un peu seule, puis annonce qu'elle redescend, qu'elle reviendra dans l'après-midi, et elle se dirige vers la porte.

Fidèle à sa parole, elle revient effectivement quelques heures plus tard ; toujours aucun signe de vie. Cependant, elle a quelque chose à annoncer.

"J'ai des nouvelles de lui ! Il m'a envoyé une lettre. Je ne l'ai pas encore ouverte, je voulais le faire avec vous."

Elle déchire le papier blanc de l'enveloppe dans un bruit sec.

FragmentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant