La lettre

11 0 0
                                    

Ma chère Cléa,

Aujourd'hui encore une pluie de bombardements s'est propagée dans l obscure trou qui nous sert de abri.nous sommes tous entassés comme du bétail et respirons les odeurs infâmes et putrides de l urine mêlée au sang des combattants. Mes pieds s enfoncent dans l humus et la glaise aussi facilement que glisse le serpent de sa peu ecailleuse. Mon visage est à moitié recouvert de poils hirsutes et piquants comme la fourche du diable mais surtout emmêlés par les cailloux , et sillonnent sur mes lèvres la déchirure de mes hurlements mélangés à cette poussière infinie. Chaque jour je porte à bout de bras armes , artillerie lourde et mon chagrin . La nuit est loin d'être calme car l orage semble prendre possession du ciel , les éclairs frappes rageusement le sol sans vie et les cris agonisant remplis de douleurs sont les seules mélodies que le on puisse entendre. Quelques fois le ciel est dégagé et laisse apparaître ses magnifiques étoiles hélas , j'ai toujours l'impression qu'un voile insupportable de tristesse recouvre mes pupilles injectées de sang. La fin me torture l'estomac chaque seconde qui passe , d'ailleurs si une souris ou un hérisson passe , il a le malheur de finir entre les dents ardentes de mes camarades.
Les minutes passent et les personnes à côté de moi s éteignent petit à petit, leurs yeux perdent leur couleur et ils tombent inertes sur la pile de cadavres qui jonche la terre boueuse. Le froid me provoque des spasmes désagréables, le bout de mes doigts sales me brûle.
Il y a ce jour dont je me souviendrai toujours , c'était un mercredi ou un vendredi; un bruit déchira le silence assourdissant autour se moi, l'obus venait de s écraser avec vivacité, à quelques mètres de moi. Inutile de te préciser que je perdi un oeil ce moment là et que le liquide poisseux qui m'est vital dévala lentement sur ma joue gauche .
Nous sommes maintenant le 13 décembre 1917 , le doyen vient de lancer l'offensive.
J'aurais tant voulu être à tes côtés comme il y a vingt ans de cela , dans notre petit village de campagne au bord de la rivière. Une dernière chose que j'aurais du te dire avant de monter dans cette voiture immonde et que notre monde périsse , avant que la douce clarté du soleil ne s'éteigne.
Aujourd'hui notre monde pétillant est sans couleurs , maintenant je vais mourir et sache que pendant toute ma courte vie j'aurais aimé te chuchoter à l'oreille ces deux simples mots : je t'aime. 

ALEXANDRE LAFORGUE.

Mes histoires noires Où les histoires vivent. Découvrez maintenant