1. Rencontre

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5 ans plus tôt...

01 février 2014
 

  Le cri aigu et méprisable du réveil me sonna. Je secouai la tête, grognai. Encore ce stupide réveil...
   J'étais Claude Beacons, un des enfants de l'orphelinat de l'École du Soleil étant située au pied du Mont Fuji depuis plusieurs années. Je m'étais retrouvé ici en même temps qu'un autre garçon : Bryce Whitingale. À mon plus grand regret, l'enseignement existait et, comme à mon accoutume, j'étais en retard. Mais, préférant l'ignorer, je se levai sans pression. Encore chancelant, les yeux apeurés par la clarté du jour, j'approchais la salle de bain sans erreur : pure habitude une fois de plus.
   Je m'habillai rapidement et négligemment d'un t-shirt noir en nylon d'un banal absolu, avec une partie égarée dans mon pantalon beige à la coupe sarouel et aux bords non égaux. Je remarquai que mes Nike bleu céruléen commençaient à sérieusement s'abîmer mais, ce n'était pas le moment d'y penser ! Je finis par peigner rapidement mes cheveux flamboyants en bataille. Ça ira, soufflai-je, désespéré. J'extirpai de ma valise mon arme secrète : pot de Nutella, couteau et tartines ! Je m'en fis une et partis à la volée en enfilant mon Eastpak bleu.
   Ici, j'étais considéré comme le beau gosse suprême. Le bad-boy pour être précis, voire même le playboy. Du haut de mes cent cinquante-huit centimètres, j'étais toujours vêtu de belles tenues mais, portées négligemment : un bord plus long que l'autre, pareil pour les manches, lacés non faits, braguette ouverte, ... Je possédais néanmoins une vive chevelure ardente rouge magnifique qui reflétait parfaitement ma personnalité arrogante. Certains ébruitaient cependant que je détenais une tulipe sur la tête... ! Moi, j'appelais plutôt cela une « flamme étincelante ». Mes pupilles étaient d'or. Vives et puissantes, comme celles d'un félin. J'étais assez musclé et maigre, mais avais un « bon fessier » selon la plupart des filles me reluquant. Ces dernières, souvent des cochonnes pour rester poli, me convenaient cependant. « Tant que je pourrais galocher, j'irai bien », était devenue ma phrase courante.
   J'entrai en classe sans frapper, finis à peine ma tartine, la bouche encore pleine :
   « Bonjour m'dame ! Déso' du retard mais je trouvais pas mon tél', justifia-je distraitement en allant m'asseoir.
   — Carnet, répliqua la professeure sèchement.
   — La flemme ! grognai-je en claquant le précieux de la femme semblable à une truie sur ma table. Venez le chercher vous-même, affirmai-je tout en croisant les bras et en m'enfonçant contre la chaise.
   — Regarde ta veste », m'incita une voix de derrière avec défi.
   Comme un abruti, je la regardai et rien. La personne me donna un grand coup derrière le crâne en chuchotant à pleins poumons : « Pistache ». Bryce ! Le salaud ! lançai-je en mon for intérieur. Je le dévisageai avec amertume. Ce garçon-là, était mon ennemi juré. Je l'énervais toujours pour pleins de raisons. Bryce, cheveux de glaces, grande mèche bouffante sur le côté, maigre, assez musclé, peau blanche, yeux d'un bleu pur trompeur. Il était presque autant aimé que moi, mais plus discrètement. Ce « presque » venait de son style vestimentaire totalement démodé de « grand-mère » comme disaient les autres élèves. Et comme à son habitude, il avait encore fait ses coups en douce, la professeure ne l'ayant pas remarqué. Si cela avait été moi, j'aurai de suite pris une heure de colle !
   « C'est de la discrimination ! » criai-je inopinément, révolté, sans même m'en rendre compte.
Conclusion : toute la classe fit un focus sur moi.
   « Non, ce n'est qu'une différence de niveau », chuchota fièrement Bryce.
   Je fis volte-face, lui lançai une invective en pleine face. L'instant d'après, j'entendis un coup métallique retentir sur ma table. Mon cœur fit un bon avant de regarder la zone de l'impact : ma règle. Je compris, dévisageai amèrement la femme.
   « Si tu veux parler à tes camarades de classe Claude, pas de problème. Tu vas nous faire un exposé. D'accord ?
   — Hein ? Pourquoi moi ? m'affolai-je, devenant tout à coup livide.
   — Tout le monde le fait imbécile ! T'es juste le premier à choisir », me tança une fille.
   Je n'appréciais que peu cette fille. Elle m'insultait et me rabaissait souvent. De plus, lorsqu'elle osait le faire devant un professeur, il ne se passait bizarrement rien ! Après tout, ce n'était qu'Isabelle, la chouchoute. Plutôt grande fille, elle possédait deux larges mèches blanches japonaises. Le reste de sa chevelure assez courte – elle arrivait aux épaules – était bleue. Pas un magnifique bleu océan non, pas un somptueux bleu-nuit non plus. Juste un bleu. Elle avait des formes très prononcées pour son âge. Elle était vraisemblablement une jolie demoiselle. Ah, et sans oublier ses grands yeux de même couleur ! Peut-être que je la détestais pour une raison plus grande encore que celle de sa personnalité : je n'avais jamais eu l'occasion de l'embrasser et pire encore, m'étais pris le râteau le plus angoissant et humiliant de ma vie ! Ah... mais ça, c'était une autre histoire.
   Je me concentrai de nouveau sur ma professeure, ignorai la belle bleue.
   « Je ferai un article sur les jeunes S.D.F, annonçai-je sereinement, sur un ton supérieur. J'en interviewerais un. Tel un véritable journaliste. »
   Cette adipeuse femme s'esclaffa, n'y croyant pas une seconde. Entre deux gémissements risibles, tentant de se reprendre, elle m'octroya ma « bêtise » :
   « Ça me va. Dix-huit heures de colle finissant toujours à dix-huit heures dont le mercredi après-midi et le samedi matin si tu ne le fais pas. »
   Je compris alors que j'avais parlé bien trop vite ! Cherchant de quoi me rattraper sans succès, j'avalai ma salive.
   « Je... Hum... Je... »
   Je me repris, cessai de balbutier, et remonta sur mes grands chevaux :
   « Pas de soucis ! Je le ferai ! » affirmai-je.
   La sonnerie de fin d'heure retentit.
   « Hé Claude, m'interpella Bryce en se levant. T'es au courant qu'il faut le rendre dans un mois, cet exposé ?
   — Hm, ouais, j'ai le temps, répondis-je, ignare, avant de faire tilt. Quoi ? » hurlai-je.
   Fin du premier cours. Tout le monde s'éclipsa avant toute explication. Je déglutis de nouveau, sentis ma gorge se serrer. Quelle gaffe, m'avouai-je.

PsychoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant