Nouvelle: In my head.

In my head

Installée sur sa chaise de bureau, Alex faisait ses devoirs tandis qu'une chanson de Marcus Alan Ward faisait vibrer les murs de sa petite chambre aux décorations nombreuses. Plusieurs posters de films, de festival et des dessins décoraient les quatre murs de sa chambre. Elle se créait un monde pour ne pas entendre les cris de détresses qui émanaient de l'autre côté de la porte. Personne ne savait ce qui se passait hors de ces quatre remparts. Son royaume était fondé sur l'ignorance de cette souffrance perpétuelle. Jour après jour le scénario se reproduisait, elle était coincé dans une répétition incessante. De l'autre côté la mère d'Alex était allongée contre le canapé les mains griffant l'avant-bras de son mari qui compressait sa gorge tandis qu'elle suffoquait sous le poids de l'homme bedonnant à cause des bières qu'il ne cessait de s'enfiler toute la journée. Sous les ongles de sa femme il finit par lâcher et se tenir le bras en grimaçant.

-Salope ! Hurla-t-il avant de gifler la femme.

La claque raisonna dans la pièce avant que les sanglots de la mère d'Alex ne fassent de même pendant qu'elle se tenait la joue. Il se dégagea d'elle avant de pointer du bout de son gros doigt crasseux la cuisine.

-Va me chercher une bière que tu serves au moins à quelque chose.

Claire, la mère, se releva péniblement du canapé en sanglotant toujours, bien qu'elle essayait de s'arrêter, regardant terrifiée l'homme qui lui faisait vivre un enfer. Sous son oeil méprisant et sévère, elle s'avança jusqu'à la cuisine puis se pencha sur le frigo. Elle prit une bière dans le compartiment de la porte et la referma. Elle décapsula la bouteille et revint dans le salon où Gregory s'était réinstallé. Claire posa le rafraîchissement sur la table basse à côté des pieds de l'homme. Elle soupira doucement tandis qu'il ne lui adressait pas un regard les yeux rivés sur l'écran de télévision devant un match de football. La porte de la chambre s'ouvrit laissant échapper la musique de cette dernière.

-Coupe cette merde petite merdeuse, cria Grégory affalé comme un tas dans son canapé.

Alex baissa la musique et fit signe de la tête à sa mère pour qu'elle entre. Claire s'engouffra dans la chambre avant de s'installer sur le lit de sa fille. La jeune femme regardait sa mère tristement. Elle était triste, en colère, dégoûtée, les émotions négatives l'envahissaient et rien ne les effaçaient. Plus les jours passaient et plus elle contenait ce mélange qui finirait par exploser. Elles ne dirent rien et Alex retourna sur ses cours et sa mère restait assise là à l'observer sans qu'un son ne sorte de sa bouche. Après environ une heure de silence pénible la jeune femme déposa son bic en soupirant puis elle se leva de son siège.

-Je vais aller faire un tour, dit-elle avant de s'avancer vers la porte et de sortir.

Elle passa par le salon, attrapa son sac à dos et observa haineusement son beau-père et sortit de la maison. Alex grimpa sur son vélo avant de se mettre à pédaler vigoureusement. Plus vite elle serait loin de cette maison de fous plus vite elle pourrait respirer sans sentir ses poumons s'écraser dans sa cage thoracique. Plus les jours défilaient et plus elle sentait la folie monter dans son esprit, des choses tordues se formaient avant qu'elle ne revienne à elle et remette les pieds sur terre. Elle ne supportait plus cette vie et n'avait pourtant aucun échappatoire. Sa grand-mère avait déjà plusieurs fois appelé la police et si Claire refusait de porter plainte ils ne pouvaient rien faire de concret. Pédaler avec rage l'aidait à souffler un peu, ses yeux rivés sur la route, son souffle et ses grognements brisait le sifflement de l'air dans ses oreilles. Alex finit par hurler tout sa colère brisant le seul son de ses roues qui filaient sur le bitume. C'était un enfer qu'elle ne pouvait plus supporter, elle pétait les plombs. Doucement son cri s'étouffa dans des sanglots qui peinait à sortir puis elle frotta du revers de sa manche les larmes sur ses joues rosies par le vent qui les fouettait avant de remettre sa main sur le guidon. Elle ralentit au fur et à mesure sa cadence pour tourner vers la droite et de s'enfoncer dans la forêt qui bordait la route. Alex suivit un chemin tracé par les allées et venues des randonneurs et finit par arriver a un pont qui surplombait la rivière. Elle mit son vélo sous le pont et s'installa ensuite au bord de l'eau assise sur un rocher. La jeune femme retira le sac sur son dos et le posa à ses pieds en même temps de prendre une pierre entre ses fins doigts et de la jeter à l'eau. Elle poussa un long soupir et ouvrit son sac. Elle prit une petite boite qui contenait tout ce qu'il lui fallait pour se rouler un joint. Elle déplia le papier à peine opaque et, au contraire, plia puis enroula un bout de carton qu'elle mit à l'extrémité gauche de de la feuille. Elle les posa sur ses genoux et prit son blender dans lequel son herbe effritée ressemblait à de la poudre verte. Alex versa son contenu dans la feuille et y ajouta du tabac avant de prendre le tout entre ses pouces et index et de faire des mouvements d'allées et venues. Elle pinça la feuille et termina le roulage avant de délicatement lécher la partie collante et de la coller. Une fois le joint tasser, la jeune femme l'alluma et tira longuement sur celui-ci et souffla la fumée qui se mit à danser dans l'air avant de disparaître gracieusement. Derrière la brume le soleil perçait la cime des arbres verdoyant. Elle plissa les yeux sous ce dernier avant de reposer son regard sur l'eau qui s'écoulait tranquillement. Elle tira à nouveau sur son joint expira la fumée de ses poumons sûrement noircis du goudron que contenait le tabac. Elle répéta plusieurs fois la scène avant que ce dernier ne s'éteigne. Elle le garda coincé entre son majeur et son index sans le rallumer pour autant. Elle observait l'eau d'un regard vide. Alex était vide. Ses émotions positives s'effaçaient et laissaient place à une rage grandissante qui ne cessait de la ronger intérieurement. Il devenait le seul sentiment avec lequel elle vivait et cela la rendait folle. Un bruit la tira de sa réflexion, c'était deux randonneurs qui passaient le pont.