Lumière

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Je fronce les sourcils et laisse échapper un lourd soupir. Celui-là alors... On a beau m'avoir chanté ses louanges, il commence à m'agacer sérieusement. Ses enfantillages auraient pu m'amuser -à un autre moment sans doutes- , mais dans une telle situation.. je ne suis pas d'humeur. Heureusement pour moi, tous mes collaborateurs ne sont pas tous comme lui. Au moins, a t-il le mérite de cacher bien son jeu ! A le regarder, qui pourrait se douter un seul instant du danger qu'il représente ? Bien qu'il soit débutant et qu'il ne fasse le poids devant aucun d'entre nous, il reste une aide utile... pour le moment du moins. A vrai dire, j'ai la crainte que son manque d'expérience et de discrétion ne nous compromette, d'une façon ou d'une autre ... J'espère que son attitude changera après la réunion de ce soir.

Je retourne m'assoir sur le lit de fortune, la tête dans les mains. J'ai hâte d'y être. Maintenant que nous sommes presque au complet, nous allons enfin pouvoir échanger librement. La mission, nos objectifs... Et de notre nouveau problème. La traversée semblait si tranquille sur le papier ! Voire même barbante. Mais voilà que cet espèce... d'étalon avec son long manteau débarque. Pire encore : Yume. Elle qui me revient dans la figure comme une gifle, me troubler et potentiellement me mener à ma perte. C'était de loin la pire union possible, ces deux là. Que font ils ici, ensemble ? Est-ce que nous aurions été compromis, d'une manière ou d'une autre...? Se serait elle dévouée pour l'assister et me reconnaitre, à charge de revanche..? Non. Non, je refuse d'y croire. Pas Yume. Ce n'est pas son genre. Du moins...Ce ne l'était pas.

Le bateau tangue, me ramenant à la raison. Y penser maintenant est inutile, je n'ai aucune information tangible. Je ne fais que perdre mon temps à cause de ces spéculations ridicules... De toutes façons, tout s'éclaircira bien assez tôt. Je dois seulement m'assurer qu'elle ne croise pas ma route et tout ira bien. Il est également hors de question que mes compagnons apprennent le lien qui nous unit... qui nous a autrefois unis. Ils ne me feraient plus confiance, me penseraient capable de les trahir. Ils pourraient essayer de se débarasser de moi. Et malgré mon talent de débrouillard... Tenir contre trois assassins ligués ensemble, de méthodes toutes différentes me parait bien compliqué. Je ne la laisserai pas tout gâcher.

Il est midi passé, sûrement dans les alentours de treize heures. Autant dire que j'ai de longues heures à assassiner sans pitié avant nos retrouvailles. Habituellement, je me promène sur le pont, y fait une sieste ou erre au hasard, épiant les gens. Cependant, je ne peux pas me permettre ce genre de fantaisies désormais. Chacun de mes déplacements est un risque: non que je doute en mes capacitiés de discrétion, mais Yume pourrait être n'importe où. Il me faut une bonne raison pour quitter ma tanière. Jusqu'aux dernières nouvelles, je suis donc assigné ici, seul avec moi même et j'ai, dans les dernières heures, constaté que ce n'est pas une bonne chose. Je pourrais baisser les yeux par ennui, poser de nouveau poser mon regard sur ce ruban bleu -pourquoi je ne l'enlève pas d'ailleurs ?- et sombrer dans le tourbillon des souvenirs brulants, des sentiments qui devraient être futiles. Tout ça ne m'apporterait qu'un terrible mal de tête et une confusion bien plus profonde que je ne pourrai me le permettre. C'est déjà assez agacant comme ça...

Non, je sais ce qu'il me faut. J'ai besoin d'être tenu occupé. Que mon esprit, mon attention soit capturé par quelque autre affaire. Avoir un objectif, savoir où aller. Que faisais-je avant que Renard ne fasse irruption...? Ah, ça me revient. Igor Stanislas et ses spectacles d'humains. Voilà un spéciment qui mérite toute mon attention. Une raison pour quitter cette boîte au doux parfum de homard pour le grand air. D'après ce que j'ai pu lire et observer sur son compte, c'est un homme de scène, cherchant perpétuellement à se mettre en spectacle mais également un public pour l'admirer. Il doit logiquement fréquenter les lieux chics et bondés, là où des spectateurs de choix n'attendent qu'à être distraits. Et heureusement, je me souviens savoir que Yume déteste ce genre de lieux. Fréquenter les snobs l'ennuie et leurs conventions l'étouffent. J'ai donc peu de chance de la croiser là-bas. Cependant restons prudents: je ne connais pas son chapperon. Même si ma demoiselle déteste se faire marcher sur les pieds, il se peut qu'elle se rende là bas pour lui faire plaisir, ou simplement pour servir leurs interêts mystérieux. Je dois donc pouvoir me replier à leur vue.

Le Londres D'AprèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant