J'ai chaud, ma tuque Amnesia n'a pas sa place sur ma tête. On commence à peine l'automne pis c'est plus que cave de cacher mes cheveux qui graissent trop vite en dessous d'un mélange de coton et de polyester. Autrement dit, en plus de ne pas tant aider ma situation capillaire, ma tête peut s'enflammer anytime. Mais au moins, c'est pas mal plus confortable que la laine qui pique. J'pense trop fort ( pis juste trop en général ) à des choses un peu inutiles, mon visage se crispe. Je réajuste la monture rectangulaire de mes lunettes brisées qui, accompagnée d'un élan causé par un froncement d'sourcils trop fournis, glisse sur la pente de mon nez où s'est malheureusement répandue une colonie de points noirs. Je confirme, ils sont définitivement sédentaires, installés depuis cinq années avant aujourd'hui sur le même périmètre de ma face. Sans grande surprise, j'suis pas le plus charmant des adolescents. J'ai peut-être dépassé d'un an la majorité canadienne mais pourtant, j'me sens toujours pas adulte. L'acné sur mes joues est encore trop vive pour pouvoir me considérer hors de la fameuse "phase prépubère". Pour ce qui est de ma shape... Mes genoux sont remontés contre la fine couche de ma peau moulant littéralement la curve de mon p'tit cœur et mes jambes, dans l'contexte d'une posture un peu plus habituelle, s'étendent littéralement sur un mètre de long au sol. S'asseoir en indien ? Oublie ça, j'pense même pas en avoir la capacité. Mon Jansport se balance sur mes cuisses démesurément maigres, trop étroites pour lui permettre un minimum de stabilité, tandis que mes doigts à l'apparence squelettiques en montent et baissent sans cesse les fermetures éclaires, ça t'donne-tu une idée ?
Je suis stressé. C'est le retour à l'appart et je dis un énième « à bientôt » à ma chambre aux murs décorés de vieux posters et de souvenirs moyens. Reste qu'il y en a des bons, comme des surnoms du secondaire pas tant frais qui m'collent au peu d'chaire que j'ai. L'échalote, l'manche à balais, Skeleton... Mais l'dernier est resté, parce qu'il sonne pas si pire en acronyme. Skel, même si ça ressemble pas pantoute à mon vrai nom. Bref, ces pensées là m'suivent partout, tout l'temps. Jusqu'à la gare de Sainte-Foy à Québec en direction Montréal par exemple, après un séjour chez ma mère qui m'dit toujours de manger plus, de parler plus, de sourire plus... En même temps, j'peux pas lui en vouloir, mes côtes sont plus apparentes que ma joie d'vivre. Ça parait sûrement pas, mais j'suis aucunement dépressif, ni anorexique. Juste fatigué, avec les cernes qui pendent jusqu'à mon menton dépourvu de poils. Pis dans le but de répondre aux susceptibles interrogations de certains, oui-oui, contre mon gré, j'engraisse pas même si j'me bourre jusqu'à en m'en créer une wannabe bedaine. Pareille comme les ventres de bières, juste que l'mien s'compare plus à une balloune du Party Expert ben gros remplie d'air. J'ai juste hâte de retrouver mon lit simple parce que l'futon d'mon père est définitivement pas assez long pour mon corps que Patrice Lambert comparait souvent au cousin de l'oignon vert. J'en ai mal partout, j'pense être racké solide. J'dis ça, mais une commotion cérébrale est si vite arrivée si j'ai l'malheur de m'cogner l'bassin contre le coin du comptoir de cuisine... Donc bon, j'pense qu'on va s'calmer l'pompon.
Bleu. J'viens d'spotter une fille aux cheveux bleus, pis courts, pis beaux, pis même que c'est elle tout court qui est belle en tant qu'tel. Mon déficit de l'attention fait probablement son come back, ou sinon c'est peut-être elle qui est aussi déstabilisante que j'le pense. J'ai pas encore rencontré son regard mais j'sais déjà qu'elle est omniprésente, un peu pas là, sûrement n'importe où ailleurs. Probablement dans un beau char à rouler les fenêtres baissées downtown. Elle a un chum, c'est clair ( c'est lui qui conduit ). Ben j'pense, parce que c'est rare que les personnes en son genre soient aimées par aucun cœurs qui les aient pourtant croisés. Ses joues sont presque aussi rouges que les miennes, mais pour une raison nettement différente que celle d'y avoir deux champs d'fraises en pleine saison d'cueillette. Elle a peut-être froid, je sais vraiment pas. Ou elle a peut-être abusé d'la poudre que les matantes se mettent sur les pommettes. Ses lèvres sont coloriées d'un pourpre foncé, s'opposant à la clarté de son teint d'Alice Cullen nouvelle génération. Son nez est retroussé, j'trouve ça cute. Elle aussi, attend l'autobus numéro huit, en portant une valise à roulette sous ses pas qui semi-frôlent le long manteau qui l'habille. J'le considère plus vert que les forêts des campagnes québécoises. Vite de même, j'la qualifierais d'œuvre d'art sur deux jambes. Un peu abstraite, vibrante, pleine de couleurs. Mais la toile est vite redevenue blanche parce qu'elle s'est échappée d'mon champs d'vision.
J'ai l'cœur qui bat vite, qui s'défoule un peu fort contre la cage qui l'contient, l'emprisonne. Y'a des bleus sur ses parois rouges. Même qu'il tourne pis s'retourne, comme un insomniaque qui cherche le sommeil dans son lit trop grand pour lui et sa solitude. J'la vois pu, elle est partie. Elle est montée dans un bus qui n'est pas le mien. Elle a choisit le neuf, celui qui part vers Gaspé. Pis dans un élan d'folie, en la regardant un fragment d'seconde par la grosse fenêtre salie de traces de doigts qui font des bye-bye's, je l'ai rejointe, retrouvée, celle qui s'était assise au premier banc de droite. J'ai choisi celui d'gauche, pour pas paraitre aussi creep que j'le suis réellement. Elle regarde un vide, contemple un rien que j'aimerais connaître moi aussi, avec un air de « j'm'en criss » pis des yeux dans la graisse de bine. Pendant ces instants là à la regarder secrètement, j'me suis laissé flâner dans son univers. J'entend l'moteur qui part au loin, mais j'ai même pas peur. J'me fais croire que c'est pas l'cas en tout cas, en jouant encore avec les zippers des poches de mon pack sac. Mes genoux recommencent à s'cogner entre eux, mes cuisses à « shaker », mais j'suis passionné par le bout d'ses doigts qui frôle les pages jaunies d'son livre amoché qu'elle tient d'une main. J'plisse les paupière et lis au loin... Aliss, de Patrick Sénécal. On dit qu'ce roman là est pas mal trash, mais to be honest, son âme à elle en a tout aussi l'air. J't'un peu jaloux du papier, qui a l'droit à son touché. Mes phrases à moi sont juste kitschs pis remplies d'anglicismes. Hey, j'y pense là, juste de même... Si j'étais un livre, ce serait quoi mon histoire ? Pis c'te fille là par en hasard, ça en serait-tu l'intrigue ?
VOUS LISEZ
Max
Teen FictionSkel', A.K.A Jessy, qui avait l'intention de repartir vers son appart douteux de Montréal après une visite chez ses parents, saute dans le bus numéro neuf en direction Gaspé, pour ne pas laisser la fille aux cheveux bleus glisser des mains de son pr...