Portrait d'égo

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Ça fait je sais pu combien d'heures qu'on roule. Mon mal des transports fait son agace en chatouillant ma luette à l'aide d'une boule compacte, provoquant alors aussitôt le redressement d'mes poils châtains désormais tous aussi droits qu'un rang d'soldats sur mes deux avants-bras. Bon, j'avoue... J'regrette un peu. Mais pas complètement, c'est juste que j'viens pas mal de réaliser que je me suis volontairement installé la dizaine d'orteilles dans des plats que j'connais trop bien. Autrement dit, j'suis dans' marde. Parce que disons que mon impulsivité a longtemps été l'un des traits les plus prononcés d'mon caractère... Pis qu'elle a souvent fait en sorte que les vieux tupperwares deviennent l'habitat naturel de mes pieds. Là, j'parle d'impulsivité mais pour être totalement transparent, j'trouve que ça sonne bizarre d'indirectement m'auto-mentionner dans la même phrase, connaissant la moumoune intérieure ( et extérieure ) que je suis réellement. Pour qu'on s'comprenne, j'ai jamais fait grand chose de vraiment « bad ass » en tant qu'tel. Juste des affaires comme lire les quatre tomes de Twilight en trois-quatre jours et teindre mes cheveux en noir l'année d'mon secondaire trois. ( By the way, j'suis team Edward. ). J'baille même la bouche grande ouverte sans mettre ma main devant, quel rebelle. Ça vient juste de s'passer, j'pense que j'suis pas mal fatigué. Mes pensées se floutent plus vite qu'une Canon qui manque de focus, elles me mènent dans un univers d'huskys surdimensionnés et je me retrouve soudainement enfermé sous une cage de plastique géante au plafond orange-tache-de-spagath. Mon illusion se prolonge tandis que mes yeux se ferment pour de bon, se réfugiant dans un vide aussi noir que la queue d'cheval de Taylor Lautner dans l'premier film. Mon imagination en profite pour projeter sur les murs de ma tête pourtant ronde un film produit à l'improviste.

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La lectrice aux cheveux bleus influence le scénario. C'est pendant que je rêve d'un ciel de début-soirée, de bleuets du Lac St-Jean et de mer méditerranée que j'entend au loin, sur mon grand bateau, un matelot crier.

— TERMINUS !

Mes paupières rushent à s'ouvrir sous la lumière des néons trop blancs. J'ai envie d'pisser, j'regarde par la fenêtre où il fait ni jour, ni soir pour me changer les idées. J'suis dans une campagne de Gaspésie où les nuages sont assez gris merci. Avec la bad-luck qui m'colle au cul, fallait évidemment qu'les coulisses de pluie qui cascadent contre la vitre me rappellent ma vessie. Pour eux, les gaspésiens, ici c'est sûrement le « centre ville » si j'peux dire... Personnellement, j'pense pas que quatre-vingt mètres d'asphalte, un Intermarché pis deux-trois trucks de parkés correspondent vraiment à c'qui en est la véritable définition. Bon, j'exagère juste un peu mais j'vais quand même pas vous dessiner la map imaginaire d'un cratère québécois. Juste que j'regrette peut-être déjà Montréal, sans vouloir parraitre trop snob. J'regarde à ma droite pour me remonter l'moral, voulant m'rappeler la raison de ma folie passagère mais j'découvre un banc vide. SHIT !!! V-I-D-E !!! Pu d'fille au manteau vert !!! J'pogne mon sac à dos qui fait un méchant gros vol-plané avant d'atterrir contre ma colonne toute croche, gracieuseté d'ma scoliose, pis j'descend de l'autobus en trébuchant presque dans mes propres jambes. Parlant d'elles, ça leur prend pas deux secondes supplémentaires pour qu'elles s'mettent à courir jusqu'à l'intérieur de la salle-d'attente-de-bus-j'pense-ben. J'la cherche du regard. J'épie la foule, mes pupilles contournent les épaules larges et plus petites de la vingtaine de personnes remplissant les quelques mètres carrés... Mais rien. RIEN, FUCK !!! Mes cuisses se squizzent, j'dois vraiment aller aux toilettes. J'me déplace en mode marche rapide jusqu'à la cabine unisexe. J'pousse la porte battante, j'baisse mon zipper pis j'laisse mon flot se déverser aussi, sinon plus aisément que celui d'la fontaine du p'tit gars Belge. J'en ai des frissons sur l'fessier tellement la délivrance est à son extrême.

MaxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant