Étrangement, un pressentiment m'avait envahit ce jour-là. Dans toutes les histoires on vous ressort cette phrase, comme quoi "blablabla je sais qu'il va se passer quelque chose ainsi de suite", mais oui, je le sentais. Je sentais que quelque chose allait se passer. Quelque chose sortait de l'ordinaire, y avait un truc qui clochait, qui avait changé. Un signe qui me soufflait "fais gaffe, tu devrais pas sortir de chez toi!", un murmure inaudible dans ma tête, le vent qui faisait s'envoler les feuilles pour former des mots incompréhensibles pour un humain, ou tout simplement mon instinct ? Je ne le saurai jamais.
Mais quoi qu'il en soit je le savais.
* * *
La chaleur du café qui coule dans mon œsophage s'imprègne en moi et réchauffe mon corps froid. Le temps est glacé, et avant que je ne rentre dans ce restaurant, les épines invisibles de l'hiver me rentraient dans les doigts. C'était désagréable, comme ça l'a toujours été.
- Alice, ma chérie, me murmure ma mère, je suis sûre que tout ira bien.
Elle pose sa main protectrice doucement sur la mienne, comme tout parent inquiet pour son enfant, et me regarde dans les yeux. Je détourne le regard et me mord la lèvre pour retenir les larmes qui commencent à monter.
- J'en suis sûre aussi, lui dis-je pour la rassurer et surtout pour passer à autre chose. Je sais que l'opération se passera bien, évidemment. Après tout il n'y a que 5% de chances pour que ça rate; donc aucune raison que je m'inquiète !
Je ris nerveusement. En réalité, ces 5% de chances me font peur. J'ai toujours été "en marge de la société", jamais normale. Déjà je possède une maladie rare du cœur (youpi, à faire pleurer dans les chaumières, comme toute bonne héroïne de roman !) qui a un nom bien trop compliqué pour que je me rappelle. D'ailleurs, pourquoi se rappeler le nom de quelque chose qui veut vous tuer ? Ça lui donnerait beaucoup trop d'importance, pff. Puis, lorsque je participe à des concours, qu'importe le nombre de participant vous pouvez être sûr que je gagne quelque chose. Qu'importe le peu de chance qu'il y a de voir quelque chose, je fais parti des chanceux. Alors si c'est pareil pour cette opération, je vais crever, crever comme un pneu.
- Je vois bien que tu es inquiète Alice.
- Je me doute bien, sinon on ne serait pas venue ici. Tu cherche à me détendre, me faire penser à autre chose, mais ça ne sert à rien si tu remets le sujet sur le tapis. C'est comme si tu avais un cancer, et que chaque jour je te faisais rappeler qu'il te reste tel jours à vivre.Elle me regarde, étonnée - voir plutôt choquée - par mes propos.
- Je... Pardon. Que dirais-tu de, euh, inviter Noélise pour que vous vous amusiez toutes les deux ce soir ? me dit-elle sur un ton coupable.
- Bien essayé maman, mais c'est Nolwenn son nom. Puis elle est dans le Kansas chez sa grand-mère pour noël. Pour toutes les vacances d'ailleurs.Je soupire mais place tout de suite un sourire sur mes lèvres, envahie par les remords. Ma mère a toujours oublié les noms de mes amies en les remplaçant par des noms très étranges. Pour Sarah par exemple, c'était Saphia. Sérieusement, qui s'appelle Saphia (ne soyez pas blessez les Saphia, je trouve ça jolie mais je ne connais personne de ce nom !) ?
Elle me regarde avec ses yeux tristes. Elle range ses affaires et me tend un billet.
- J'y vais, je vais être en retard. Tiens, prends ça, me dit-elle, c'est l'addition. J'ai rajouté quelque euros en plus pour que tu puisse te payer quelque chose en plus à manger.
- Merci maman.Elle me sourit, un sourire doux, et part - me laissant seule parmi des tas de lycéens tous en groupe. Je fais tâche.
J'ai 17 ans, et je suis malade. Les manèges à sensation c'est mort pour moi, et boire du café est peut-être risqué pour mon cœur mais c'est pas grave. Je prends le risque.
De toute façon, nous sommes destinés à mourir quoi qu'il arrive. Alors qu'importe.Même si je n'en ai pas l'air, j'ai des amis. Dans mon lycée publique en pleins cœur de Paris. "Wouah! T'habites dans la capitale !" Tu parles. Paris est connu pour briser les rêves des étrangers, y a même une dépression spécifique à ça. Le syndrome de Paris.
Je finis ma tasse de café et me lève. Je décide de partir d'ici, quitter tous ces regard oppressant qui me jugent car je suis seule. Je ne leur en veux pas, je ferai pareil si la situation était inversée. Je vais payer au comptoir en laissant juste le billet, refusant la monnaie.
- Gardez le reste pour vous, dis-je en souriant.
Ce n'est pas par gentillesse que je lui offre un pourboire. C'est pour faire croire à ma mère que j'ai acheté quelque chose à manger en plus et que donc je vais bien. Car si on mange, on va bien, c'est connu. Du moins, pour mes parents.
Je sors, et mon souffle est coupé par l'air glacé qui traverse ma peau. Je souffle sur mes doigts et commence à marcher. Je ne sais pas où aller pour dire vrai.
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This Side Of Paradise
Teen FictionAlice est malade, elle va bientôt se faire opérer. Mais le destin va en décider autrement. Elle se retrouve impliquée dans une histoire dangereuse : elle va devoir sauver le monde.