Chapitre 2

21 4 4
                                    


  Kuina poussa la porte de sa minuscule chambre et observa le fouilli ambiant. Le peu d'affaires qu'il possédait étaient répandues partout sur le sol.
La chambre était plongée dans une légère pénombre, à peine dissipée par une vieille bougie rabougrie.

Kuina se dirigea vers son broc d'eau et se rafraîchit le visage encrassé par la poussière de la ville.
Ils n'avaient le droit qu'à une faible ration d'eau, mais Kuina s'en fichait un peu, il n'avait pas vraiment besoin d'eau, l'alcool lui suffisait.

Sur la table, sa ration de viande : une unique tranche de viande, sèche et pleine de nerfs.
Il grimaça et mordit dans un bout de pain rassis.
Il n'avait pas vraiment le luxe de faire la fine bouche, la nourriture était très rationnée et plutôt chère, c'était déjà une chance d'avoir de la viande, aussi répugnante soit-elle.
L'eau venait également à manquer, et dans cette partie du pays excessivement pauvre, l'alcool était bien moins cher que l'eau.

Il n'était donc pas rare, surtout par les jours de grand froid, de voir des gens saouls dans les rues en plein après-midi.
Les boutiques fournissaient essentiellement du tabac et des alcools forts comme la vodka ou le whisky.
Il y avait peu de perspectives d'avenir ici. Les garçons rentraient dans l'armée, restaient ouvriers pour toujours ou passaient immédiatement à la case mendiant, ce qui n'était pas super rentable vu la pauvreté ambiante. Quant aux filles, elles devenaient blanchisseuses, couturières, vendeuses ou même prostituées.

L'armée était ce qui payait le mieux (en dehors de la prostitution), et il n'y avait même pas besoin d'être intelligent ou même particulièrement habile de ses mains.
Il suffisait d'avoir des couilles, au sens littéral comme propre, puisque les filles n'étaient évidemment pas engagées.
Malheureusement aucun métier n'offrait la possibilité de se tirer de ce trou.
Kuina pensa un moment à ses vieux plans d'avions qu'il avait réussi à cacher au nez et à la barbe de la police, ce qui n'était pas bien difficile, au vu de leur vivacité d'esprit comparable à celle d'un caillou.
Il n'y avait pas touché depuis qu'il était rentré dans l'armée, et n'y avait pas vraiment repensé depuis plusieurs années.
La brusque réapparition de Kawasemi avait bien chamboulé sa vie monotone et bien rangée.
Dans la même après-midi, il avait retrouvé puis perdu son meilleur ami, avec la nuance que cette fois c'était pour toujours.

Il n'avait jamais vraiment oublié Kawasemi, ni le jour où il s'était fait arrêter, il demeurait simplement dans un coin sombre de son esprit qu'il évitait d'approcher. Une époque révolue. Époque qui s'était douloureusement rappelée à lui en même temps qu'un certain roux.
Il se demandait s'il ne faisait pas un cauchemar, il s'était d'ailleurs pincé plusieurs fois dans l'espoir de se réveiller.
Il n'arrivait pas à accepter que Kawasemi osait réapparaître soudainement, lui tendre la main en souriant, et que une dizaine de minutes plus tard, il était mort, mort avec son avion, brûlé par son rêve.

Il se tenait devant lui plein de vie, éblouissant, plus vivant que n'importe qui, plus vivant que les gens gris de cette ville, trop vivant pour mourir, pourtant il reposait maintenant avec les cendres de son avion.

Un instant il avait envisagé de partir avec lui, mais il était couard, un lâche de plus. Il avait peur de la mort mais il haïssait la vie. Minable.

Ç'aurait pourtant été une belle mort que de partir en volant, comme un oiseau, tout là haut dans le ciel.

Peut-être qu'avant de fermer les yeux Kawasemi avait vu une prairie ?   

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : May 20, 2017 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Kuina's little storyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant