Chapitre 1 : coup de fil du diable.

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« Je m'appelle Annadine Sadovski, oui, mon nom est Annadine Sadovski. Un nom noyé dans un océan de sept milliards d'autres. Un simple nom désignant un humain de sexe féminin : une femme, une fille, une sœur, une cousine ou encore une mère. Mais qu'est-ce qu'un nom au juste ? Eh bien je vais vous dire ce que c'est. Un nom c'est ce qui nous définit, c'est un mot avec lequel quand nos parents nous ont regardés pour la première fois dans les yeux, ils se sont dit « ce nom-là, oui, elle s'appellera comme ça ! ». C'est un mot qui est à la tête d'une définition et cette définition c'est nous et notre vécu. Sachez-le, derrière chaque nom se cache une histoire.

Hier je n'étais personne, mais aujourd'hui je suis une légende et comme toute bonne légende, je ne suis plus. Je ne suis pas morte, non, seulement nul ne sait où je me trouve, nul ne sait si je suis encore en vie. Je ne suis plus qu'une histoire contée à travers le monde entier. Je m'appelle Annadine Sadovski et aujourd'hui je vais vous raconter mon histoire, je vais vous raconter comment j'ai découvert mon identité et la manière dont celle-ci a affecté l'humanité. »

***

Annadine.

Un jeune couple entra main dans la main dans le café et s'installa autour de l'une des nombreuses tables libres. Armée de mon calepin, je m'empressai d'aller les accueillir avec joie et bonne humeur.

— Bonjour, est-ce que je peux prendre votre commande ?

Ils me fixèrent d'un air étrange.

— Deux Franboisettes, dit sèchement le garçon.

Pas de « bonjour » ni de « s'il-vous-plait », c'était le genre de manières auxquelles il fallait s'attendre dans le monde d'aujourd'hui. Je finis de gratter sur mon calepin et filai derrière le bar préparer les boissons. L'activité était plutôt calme ce soir, il n'y avait pas grand monde au Squat. Seuls quelques étudiants et un ivrogne, qui se trouvait d'ailleurs être notre client le plus régulier, occupaient les tables défraichies du café. Nous n'étions que deux à travailler ce soir.

Après avoir servi ces tocards, bien évidemment sans aucun « merci », je rejoignis Nicole, l'autre serveuse, derrière l'établissement.

— Alors, t'as su te retenir de n'pas les poignarder ? plaisanta-t-elle en me voyant arriver.

Je m'accroupis à ses côtés, m'adossant contre le mur.

— Tu ne sais pas à quel point j'en avais envie.

Elle me tendit une cigarette que je glissai entre l'index et le majeur.

— Ils sont vraiment pitoyables, dit Nicole en secouant la tête de dépit.

Je sentais un réel dégout dans sa voix.

— T'en fais pas, j'ai l'habitude d'être l'étrangère, souris-je, à part moi, Médina et les Fernandez, y a pratiquement que des Français dans ce coin.

Je pris mon briquet, refusant poliment le sien puis l'actionnai. Une petite flamme jaillit et embrasa le tabac au bout du tube. Ah ! Le bonheur ! J'avais attendu ce moment toute la soirée.

— Même, ce n'est pas une raison pour agir en ordure.

— Sur ça, je te suis. Mais je peux pas leur en vouloir complètement non plus. Énormément de gens ont perdu leurs proches au front.

Elle secoua la tête.

— Comme le roi l'a si bien dit, le peuple n'est pas responsable des actes de leurs dirigeants, tu ne dois surtout pas te sentir coupable pour ce qui est arrivé.

Nicole était une femme d'une gentillesse inouïe. Depuis mon premier jour de travail dans ce café, elle avait été une amie formidable, drôle et souriante. Âgée de trente-quatre ans, elle était mère célibataire de deux enfants. Son mari avait été tué durant la troisième guerre mondiale en protégeant la France contre le bataillon russe. Une tragédie qui ne lui avait pas fermé l'esprit contrairement à tant d'autres.

The mortal weddingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant