-Tu ressembles de plus en plus à ton père William, avec l'âge tu deviens si mélancolique.
-Vous parlez comme si la mélancolie était un défaut, mère et comme si j'avais deux cent ans.
-Tu en es encore si loin, dit-elle en souriant.
-Pourquoi tant de pessimisme face à la mélancolie ? N'est-ce-pas l'essence même de notre peuple, de notre monde ? dis-je en souriant à peine à mon tour.
-La mélancolie est sournoise. Á petites doses, elle adoucie la vie, mais si tu l'as laisse t'envahir, elle noircit ton âme et ébranle ton cœur.
Le sourire de ma mère était un baume à mon cœur. Elle me savait triste, à bout et son âme maternelle était tourmentée. Je m'en voulais de l'attrister ainsi mais n'y pouvais absolument rien.
Ses longs cheveux d'un blond merveilleux étaient retenus par une tresse et lui donnaient un air bien trop sévère, qui ne lui allait absolument pas. Ses magnifiques yeux émeraudes étaient tristes et las malgré le sourire qui était figé sur son visage.
-Je ne crois pas, mère que vous deviez vous inquiéter autant pour moi. Le mal qui me ronge finira par passer.
-Le mal qui te ronge ? Mon fils ! Depuis quand l'amour est-il un mal ? demanda-t-elle offusquée.
-Depuis qu'il est destructeur de vie.
Elle secoua la tête.
-Comment est-elle ?
Je soupirai. Comment décrire l'éclat parfait du soleil qui aide à faire lumière sur le monde ? Mon visage s'illumina en me remémorant le sien.
-Oh, mon très cher enfant, mon petit ! dit-elle en me serrant dans ses bras.
Son doux parfum de frésia m'enveloppa.
-Tu ne devrais pas avoir peur d'un si beau sentiment.
-Mère, je me dois d'avoir peur. Je me dois d'être effrayé. Pour elle, pour moi, pour nous tous. La prophétie est claire. Aussi limpide que l'eau qui s'écoule entre nos mondes.
-Et que pense Lilian de cela ?
-Mère, Lilian ? dis-je en roulant des yeux.
Je déposai mon épée dans le coffre.
-Quoi qu'il en soit, je sais que tu prendras la meilleure décision, mon fils ?
-Vous avez une trop grande confiance en moi, mère ! Le fait que je sois votre enfant ne me rends pas parfait.
-Non, tu ne l'es pas et c'est justement pour cela que tu feras ce qu'il faut. La perfection n'est pas mère de sagesse, crois-moi ! Elle n'est pas le but d'une vie. Auquel cas, j'aurais épousé le vieux chêne, et non ton père.
Je souris et elle posa un baiser sur ma joue.
-Je serais de retour très vite, mère.
Je quittai la douceur de notre foyer pour rejoindre l'autre monde et ses contrariétés, enfin sa contrariété. Une peine devenue mienne dont le doux prénom faisait vibrer mon être.