Six semaines pour t'oublier

Deux ans plus tard...

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– Hé, joyeux anniversaire, toi !
Je me redresse si brusquement que le sang me monte à la tête et que le monde bascule du ciel bleu aux gradins gris avant de revenir à la pelouse luxuriante du terrain de foot désert. C'est la première semaine de l'été, et il n'y a personne à part Garrett, qui fond sur moi, un sourire entendu aux lèvres, les deux mains cachées dans le dos. Il porte son uniforme habituel : pantalon en velours défraîchi et chemise froissée, en l'occurrence ouverte sur son vieux tee-shirt des Clash qui, je ne peux m'empêcher de le remarquer, lui moule le torse. Cinquante pour cent preppy, vingt pour cent punk, trente pour cent rock indé anglais, et cent pour cent canon. Voila Garrett.

– Ferme les yeux.
Il s'arrête à quelques centimètres ; le soleil couchant forme une sorte de halo autour de ses cheveux.
– Et pas de triche ! insiste-t-il.
Je fais tinter mes bracelets en applaudissant d'excitation.
– Un chaton ? Une licorne ? Un croisement entre un chaton et une licorne ?
– Tu voulais un chacorne ? me taquine-t-il. Pourquoi tu ne me l'as pas dit? Ils en avaient en rayon, mais j'ai pensé à tes allergies, et puis ces ailes qui s'agitent sans arrêt...
– Toutes les autres filles en ont ! Et les poneys sont passés de mode cette saison !

Un bruit sourd m'informe qu'il s'est laissé tomber sur l'herbe et je découvre, en soulevant les paupières, qu'il a toujours un sourire aux lèvres.
– Désolé, je me suis planté. Tu me pardonneras un jour ?
– C'est déjà fait.
Je secoue le paquet qu'il me tend. Garrett ne fait jamais rien emballer dans les magasins, pas plus qu'il ne se sert du rouleau de papier cadeau rangé dans le placard chez lui.
Pour l'occasion, il a utilisé des pages tirées de livres d'occasion, au papier jauni et décolore sur les bords. Tout en entreprenant de retirer, avec précaution, les différentes épaisseurs, je fais remarquer :
– J'adore vieillir. Chaque année de plus est un pas supplémentaires vers la mort, heureusement il y a les cadeaux.
– Tu devrais proposer ta maxime à un éditeur de cartes de vœux ! s'esclaffe-t-il. À ranger dans la catégorie « Anniversaire consumériste.»
– Parce qu'il y a d'autres catégories ?