◊ E x u t o i r e ◊

Elle me tuera.

Un jour, elle me tuera.

Comme elle est légère, Ana.
Elle vole, elle s'élance, continue sa course folle.

Elle vient me voir le soir, à mon réveil aussi. Elle me souffle des mots dans l'oreille, elle me murmure ses secrets.

Que voudrais-tu que je sois, Ana ? Je lui demande, mais ses mots sont les mêmes, sempiternellement.

"Sois aussi légère que le blé dansant dans les près, si bien qu'un coup de vent te soulèverait.

Sois belle, comme une plume emmenée par la caresse du vent.

Et plus tes os seront saillants, plus tu te sentiras belle.

Ton reflet n'auras plus de secrets, tu connaîtras tes courbes imparfaites par coeur. Tu connaîtras ses recoins détestables, et les supprimeras.

Parfois tu crieras famine, mais il faudra être forte, ne pas écouter,  tenir tête.

Tu mentiras, pour toi, pour ton bien, parce que c'est ton combat.

Personne ne te comprendra.

Et parfois tu tomberas, trop faible, pas assez solide pour supporter tes frêles jambes.

Mais tant pis, tais-toi et bas toi.
Comme tu te sentiras belle, après ça.

Et quand enfin tu auras la silhouette dont tu rêves, on t'enfermera, mais là aussi, ne baisse pas les bras. Fais leur plaisir. Je te laisserais tranquille.

Tu auras l'impression d'être libre, mais en réalité tu seras perdue. Tu n'auras plus de repères, je ne serais plus là pour contrôler ta vie.

Je sais que tu auras besoin de moi. Alors un matin, je reviendrais te voir, et je te murmurerais les mêmes mots à l'oreille.

Tu me diras de partir, de te laisser en paix. Mais là encore, tu te mentiras à toi-même, refusant d'avouer que tu ne peux vivre sans moi.

Puis tu céderas à mon insistance, je forcerais l'entrée de tes pensées les plus intimes.
Tu replongeras dans ces desseins que j'ai conçu pour toi.

Oui, sois aussi légère que l'oiseau qui s'envole vers les cieux, ainsi la tempête t'emportera sans te nuire.

Suis-moi, écoutes-moi, fais ce que je veux de toi.

Tu seras moi, je serais toi."

Ana, un jour, tu me tueras.