Grandir

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Voici le plus clair souvenir que j'ai de notre enfance, le reste est toujours aussi flou. Par la suite, nous étions toujours inséparables, à l'école nous partagions la même classe, les même amis, les même instants. Alice était d'une timidité assez étonnante si bien que j'étais presque la seule personne à qui elle parlait. Au cours de certaines conversations, alors qu'elle se tenait à mes côtés, toujours un peu derrière moi s'accrochant à un pan de ma robe, il lui arrivait de prononcer quelques faibles mots ; mais personne ne semblait jamais l'écouter, ni même faire attention à elle. 

Plus les années passaient, plus elle semblait invisible aux yeux des autres. Je servais souvent d'intermédiaire entre Alice et nos amis, notamment en ce qui concerne les jeux auxquels nous jouions tous ensemble. Elle avait un incroyable talent à imaginer et à inventer les jeux les plus amusants ! Elle inventait, me l'expliquait, et je transmettais l'idée aux autre. Ils rencontraient toujours un franc succès auprès de tous.

Je me rappelle un soir, le soir de la veille de notre septième anniversaire. Nous étions vêtues de notre nuisette de soie blanche aux motifs fleuris, de petites roses pâles brodées entourées de fines arabesques dorées. Elles s'arrêtaient juste au dessus de nos genoux et étaient couvertes de dentelles à l'extrémité des manches . J'aimais beaucoup cette nuisette, d'autant qu'elle était des plus douce et des plus confortable . 

Nous n'arrivions pas à dormir, sans doute trop excitées par le lendemain et notre fête d'anniversaire. Maman et papa nous disaient qu'avoir sept ans, c'était atteindre l'age de raison. Nous étions grandes maintenant. La chambre était plongée dans l'obscurité, nous n'avions pas le droit de garder la bougie allumée une certaine heure passée. C'était L'hiver et il faisait froid, on pouvait apercevoir par la fenêtre un ciel noir presque entièrement dégagé, les étoiles scintillaient et la lune pleine nous offrait tout de même un soupçon de lumière. On pouvait entendre le souffle du vent qui faisait trembler les branches de l'arbre sans feuille. Les ombres vacillantes s'étendaient jusqu'au centre de la pièce, des formes squelettiques aux doigts crochus semblaient s'agripper au parquet sombre et glacé.

-Élise, je n'aime pas ces formes obscures, elles me terrifient ». me chuchota Alice.

-Ne t'en fais pas, ce ne sont que les ombres de l'arbre dehors.

-Mais n'entends tu pas les monstres de la nuit parler entre eux?

-Ce n'est rien Alice, le vent souffle fort ce soir.

-Elles me font peur Élise.

Je ramenai la couverture sur nos têtes pour que l'on ne puisse plus être à la merci des ombres. Alice me tenait fort par la taille et reposait sa tête au creux mon épaule. J'avais un peu peur moi aussi je dois dire, mais Alice était si fragile. Je lui rendis son étreinte pour la rassurer. La chaleur de son corps me réchauffait agréablement. Maman nous disait toujours que les monstres n'existent pas, je n'en étais pas persuadée, mais qu'importe, je me devais de protéger ma douce et fragile sœur. Il était minuit passé, je sentais le souffle profond d'Alice réchauffer mon petit cou dénudé, me procurant quelques frissons de bien être. 

Elle s'était endormie depuis un moment. Comme j'aimais sentir la douceur de sa peau lisse contre ma joue, ses fins cheveux de soie caressaient tendrement mon visage. Je fermai les yeux mais je ne parvînt pas à m'endormir avant un certain temps, nous avions 7 ans aujourd'hui.

Au matin, le soleil était présent mais il faisait pourtant un peu froid. Nous enfilâmes nos pantoufles roses et allâmes prendre le petit déjeuner. Papa et maman nous accueillirent avec un grand sourire, ils avaient préparé nos plats favoris pour ce petit repas matinal, avec même une pâtisserie au chocolat ! Exceptionnellement nous eûmes droit à un verre de sirop qui était en temps normal réservé pour le goûter. Déjà qu'elle n'était d'habitude pas très bavarde, Alice fut pratiquement muette ce jour là, même au moment d'ouvrir nos cadeaux. 

Le Bosquet aux FéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant