Chapitre 7 : brisée

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La blonde s'avança. Elle avait un sourire carnassier, montrant les dents, et des yeux fous. Elle riait. Du sang coulait le long de son menton. Elle allait la manger, déchirer sa chair, ses organes, pour se délecter de son coeur. Il ne restera rien de Sasha. Rien du tout.
L'animal sauta sur elle.

"NON !"
La jeune fille se réveilla en sursaut, la respiration haletante et le cœur battant la chamade. Le contraste entre la panique qu'elle venait de vivre et le calme absolu de la nuit, dans sa maison, lui procurait un sentiment étrange.
Sasha se leva, posa un pied hors de son lit, puis deux. Sans allumer la lumière et en essayant de ne pas faire de bruit, elle marcha jusqu'à la cuisine pour se servir un verre d'eau.
"Aïe !" Ces legos qui traînaient par terre ! Un véritable fléau pour les insomniaques...
La jeune fille regarda son téléphone. 3h05.
Soudain, le téléphone vibra et surprit tellement son utilisatrice qu'elle sursauta, étouffant un cri.
Un numéro inconnu. À 3 heures du matin. Sasha déglutit difficilement, déjà fragile à cause de son cauchemar dont la pilule n'était pas encore passée.

"Salut Sasha. J'espère ne pas te réveiller avec ce message, tu le verras sûrement demain matin. C'était juste pour savoir si ça te dérangerait de passer me voir dans la journée, ou dans la semaine même. J'apprécie ta présence et je dois t'avouer que je m'ennuie un peu tout seul dans ma chambre.
Sebastien Jordan
P.s : j'ai eu ton numéro par le directeur. J'ai le numéro de tous mes élèves. J'espère ne pas en abuser en t'envoyant ce message. N'hésite pas à me le dire
P.p.s : J'espère que tu passes une bonne nuit"

...Quoi ?
Comment est-ce possible de ressentir tant de bonheur, d'excitation, et à la fois tant de tristesse et de douleur ? C'est vraiment ça, l'amour ?
Il pense à moi. Non, il pense à sa femme.
Il veut me voir. Parce qu'il s'ennuie.
Il m'envoie des messages de bonne nuit à 3h du matin. Simple politesse, il n'arrive pas à dormir.
Cette histoire nous a rapproché, il le sait. Oui, il le sait. Il est à l'hôpital à cause de toi.
Il m'aime. Tu n'es rien pour lui à part son élève. Il a une magnifique fiancée qu'il aime de tout son coeur. Pas de place pour une autre blonde.

Une larme franchi le cap de la paupière inférieure, escalada la pommette, roula le long du menton et enfin s'échappa par le cou. Une larme remplie de joie ou de mélancolie ? Sûrement des deux.

"Bonsoir monsieur ! Non je ne dors pas, et je serai ravie de vous voir demain ! Ça ne me dérange pas du tout que vous ayez mon numéro, au contraire !
Bonne nuit
Sasha"
Non. Il n'était pas question que la jeune fille envoie ça. Trop niais, trop évident.
Après maintes et maintes versions du message, elle finit par envoyer le texto une demi heure plus tard. C'est fou ce que le temps passe vite quand on pense à celui qu'on aime.
Sasha alla se recoucher et s'endormit, le téléphone glissant doucement de sa main.

12h57.
L'heure que le réveil affichait quand Sasha ouvrit les yeux.
"Merde."
La jeune fille se hâta de s'habiller et descendit. Son estomac était contracté et il lui était impossible d'avaler quoi que ce soit, c'est pourquoi elle décida de partir directement.
La blonde prit son vélo noir, et pédala jusqu'à l'hôpital. Un sourire ne pouvait s'empêcher de s'installer quand Sasha pensait à Sebastien. D'ailleurs, il était impossible qu'elle arrête d'y penser.
SebastienSebastienSebastienSebastienSebastien

Elle arriva. Elle gara son vélo. Elle rentra dans l'hôpital. Elle monta l'escalier. Elle chercha la chambre 235. Elle poussa la porte.
"-Je...Jessica ?"
Jessica. Évidemment. Ç'aurait été trop beau.
"-Bonjour Sasha, dit la brune avec un sourire forcé. Comment vas-tu ? Ça fait longtemps dis donc !
-Oui.. Je.. Oui", balbutia son ancienne amie.
La blonde regarda son professeur avec une expression de supplice, mais ce dernier ne semblait pas s'en apercevoir :
"-Je me suis dit que tu t'ennuierais, seule avec moi, et je savais que tu était très amie avec Jessica. Alors je l'ai aussi dérangée en pleine nuit !"
Et il ria aux éclats. Un beau rire qui dévoilait de belles dents.
Et soudain ces dents que Sasha regardait devinrent floues. Tout était flou. La jeune fille était si énervée qu'elle n'avait pas senti les larmes monter. La rage bouillait. Une rage contre lui, contre Jessica, mais surtout contre elle-même. Rien n'avançait. Elle était toujours son élève, le serait toujours, et lui ne comprenait rien du tout, et sa meilleure amie ne la soutenait pas, et la vie n'avait jamais semblé aussi injuste.
"TU COMPRENDS RIEN, PUTAIN ! JE T'AIME, TU LE VOIS PAS ? T'ES AVEUGLE ? MAIS C'EST PAS POSSIBLE, T'ES CON OU QUOI ?"
Les sanglots faisaient hoqueter Sasha. Elle se sentait soulagée d'avoir crier et ne culpabilisait pas de ce qu'elle venait de dire. Elle n'en pouvait plus. C'était trop. Son coeur saignait.
"Je sais que c'est pas possible, continua-t-elle la vue brouillée par les larmes, je sais que tu ne m'aimes pas et que même si c'était le cas rien ne se passerait, mais j'ai trop mal. J'ai trop mal, putain, dès que je te vois, dès que je pense à toi, dès que quelqu'un prononce ton nom. Je veux pas te voir mais je veux pas que tu partes. Je sais pas quoi faire, tu me détruis, tu..."
Le reste de ses paroles furent englouties par les sanglots. Elle ne voyait plus rien, n'entendait plus rien. Elle sentit à peine Jessica la prendre par l'épaule et la sortir de la salle. Elle sentit à peine l'air frais lui sécher une larme quand elles sortirent de l'hôpital. Elle n'arrivait pas à s'arrêter de pleurer. Elle pensait : il ne m'aimera jamais. Il ne m'a jamais aimée. Je l'ai perdu pour toujours. Et ses pensées, en boucle dans sa tête, empêchait les larmes de sécher.

Trop jeune pour t'aimer- Professeur élèveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant