CHAPITRE 1

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J'ouvre les yeux. Le professeur d'histoire n'a pas arrêté de faire son cours. Je me suis assoupie, bercée par les horreurs de la guerre racontées par Mr. Histoire. Merde ! J'ai loupé la partie sur les camps de concentration. Bon, honnêtement, ce n'est pas une grande perte : écouter pendant une demi heure les conditions de vie, de survie même, de pauvres gens n'ayant rien demandé, sans pouvoir rien faire car cela appartient au passé, mais quelle joie !

La cloche sonne. Tout le monde relève la tête, commence à ranger ses affaires, se lève, met sa veste, prend son sac puis sort en retrouvant les camarades appréciés. Un rituel que l'on connaît tous par cœur, le répétant inlassablement à chaque sonnerie, tels des robots. Au sifflet du berger, les moutons obéissent.

On suit le troupeau vers le prochain cours. Certains rigolent ou chahutent, pimentant un peu cet après-midi monotone. La routine. Vous savez, ce phénomène que tout le monde essaie d'éviter, en vain. Elle s'installe petit à petit, sans qu l'on ne s'en rende compte, nous habituant à de petits plaisirs quotidiens, des instants chers au commencement qui se banalisent puis nous ennuient. C'est comme cela que la routine s'en prend à vous. Et c'est lorsque que nous nous en rendons enfin compte qu'elle s'empare de nous. Elle s'incruste dans nos vie comme de la vermine sauf que l'on ne peut pas s'en passer. Comme une drogue qui nous rassure dans nos petites vies bien tranquilles, trop effrayés par ce qu'il se passerait si par un besoin d'aventure, on s'écarterait de la norme, ne serait-ce durant un court instant.

Donc, je me dirige vers la sortie du lycée, cette journée s'achève enfin, et c'est dans les couloirs gris et uniforme que je croise un regard. Le plus beau regard que j'aie jamais vu ; distant mais pénétrant, assuré mais vulnérable. En un mot, troublant.

Au-delà du regard, je vois des yeux. Bleu ou marron, vert ou noir, je ne sais pas. Peut-être un mélange ? En tout cas, la couleur de ces si beaux yeux est profonde, pure.

Le reste du visage ne m'apparaît pas clairement, tout comme les yeux en fait, mais je sais bien une chose, c'est qu'il est magnifique. Les traits sont durs mais harmonieux, comme sculptés dans de la pierre précieuse. Le corps est massif et puissant, propice à la défense, tout comme à l'attaque.

Le garçon doit avoir entre 15 et 18 ans, logique puisqu'il est au lycée, mais ici encore, je ne sais pas. Cependant, le garçon me sourit. Et ça, c'est une certitude. Un sourire timide et doux, adressé à moi, simple adolescente insignifiante et ordinaire. Trop abasourdie et intriguée par ce bel inconnu semblant tombé du ciel, je ne bronche pas, détourne les yeux et continue de tracer mon chemin au milieu de cette cohue de moutons robotiques.

Get me away from hereOù les histoires vivent. Découvrez maintenant