Cap sur Le Mans!

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« Dimanche 21 mars 1867, tôt le matin :

J'espère que je vais réussir à tenir jusqu'à la fin de mon périple, malgré la fatigue et les courbatures. Il faut que je m'accroche, c'est ma seule chance.

Je suis déjà sortie de Pontoise, la route s'avère assez agréable. Il ne fait pas trop froid, et j'admire les magnifiques paysages que je rencontre.

Je respire.

Enfin.

Liberté. Ce mot résonne en moi comme un véritable appel, comme un avenir, comme le soleil de mon âme.

J'assiste à un superbe levé de soleil à 8 heures, alors que je dépasse Cergy.

Je me sens vivre à nouveau. Ce secret qui m'était inconnu jusqu' à quelques jours encore pesait tout de même sur moi et m'étouffait. Oserai-je dire que je suis délivrée de mon père ? Non. Ce n'est pas de lui dont je suis délivrée, mais de ses mensonges. Car, bien que je haïsse ce qu'il a voulu m'imposer, je l'aime. C'est mon père, il le restera. Tout comme Elise reste dans mon cœur ma tant aimée grande sœur et que ma mère reste celle qui m'a donné la vie et que j'aime au-delà de son absence. C'est ma famille, je ne peux le nier. Hier soir, je ne croyais plus en ce mot, je me sentais trahie, bafouée, seule, désespérément seule. Depuis, j'ai eu le temps de réfléchir sur les routes, j'ai essayé de comprendre, de pardonner. Et doucement, je change, ma pensée aussi. Je grandis, je le sens dans mon cœur et je sais enfin pourquoi je suis née : je suis née pour faire changer les choses, à mon échelle bien sûr, mais si moi j'ai pu choisir ma vie future, si moi j'ai pu résister, alors les autres aussi. Alors tout devient possible. Tout.»

Je me sentais déjà différente et plus mûre, et pourtant je n'avais pas fini mon voyage, ni intérieur ni extérieur. En moins de quatre jours, j'ai vu, vécu, et réfléchi plus que jamais de toute ma courte vie.

Une interrogation tout de même me préoccupe : pendant que je me trouvais sur ma bicyclette, que se passait-il à la maison ? J'espère que père ne t'a pas tenu pour responsable. Tu sais, je n'ai jamais voulu tu faire souffrir, et je m'en veux terriblement de ne pas avoir été là pour toi plus souvent, pour te soutenir comme tu l'as fait avec moi tant d'années.

« Dimanche 21 mars 1867, 10 h 15 :

Je roule paisiblement sur une route à travers les champs, et mille délicieuses odeurs de la campagne m'enveloppent. Le ciel est d'un bleu calme, de la même couleur des yeux d'Elise.

Lorsque soudain, un grand bruit sort de ma bicyclette, elle refuse d'avancer !

J'essaie avec acharnement de la faire rouler, mais rien à faire, elle est plus têtue que moi.

Comment vais-je faire ? Je suis paniquée, je ne sais pas réparer les bicyclettes ! Il faut absolument que je trouve une solution.

Je regarde tout autour de moi et j'aperçois -Dieu soit loué !- un vieil homme qui chantonne. Si j'entends bien, je crois reconnaître le texte. Effectivement, c'est un poème de Victor Hugo, qu'un jour j'avais trouvé dans un recueil ; oublié sur un banc de notre jardin. Le poème, le voici :

« Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,

Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.

J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.

Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,

Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,

Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,

Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,

Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,

Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe

Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. »

Je me rappelle que ce poème m'avait beaucoup ému...

Il faut absolument que je lui demande de l'aide, en espérant qu'il puisse résoudre mon problème.

Je m'approche de ce monsieur, et je lui demande poliment s'il pouvait m'aider à réparer ma bicyclette. Il me répond : « bien sûr ma p'tite dame ! Où qu'elle est votre bicyclette ? »

Il me la répare si rapidement que j'en suis tout étonnée. Je ne sais comment assez le remercier, car sans lui j'aurais été fortement embêtée.

Grâce à ce gentil monsieur, je peux maintenant reprendre la route tranquillement ! »

Cette nouvelle rencontre me marqua elle aussi, car cet homme qui était si aimable avait pourtant sur son visage le chagrin ancré dans ses traits. Est-ce-que ce chagrin avait un rapport avec ce poème ? Je ne sais. Cependant sa voix me réconforta, me remémorant tes chants, si doux dans mon cœur.

Vers midi, je fis une pause pour reprendre des forces avec la nourriture que j'avais emportée et me reposer un peu. Il y en avait bien trop pour moi seule, et je dû en garder pour la suite du voyage. A près cette court arrêt, je repartis pour Le Mans, où je ferais une étape pour la nuit.


Le vélo, c'est bon pour la santé!Where stories live. Discover now