Lettre, d'un Français

94 10 7
                                    

Chère Juliette,

Je t'écris un vendredi de l'année 1917, je ne sais plus quel est le jour. Quelle importance de toute façon ? Il fait terriblement froid ici, en ce mois de décembre. Tout le monde est frigorifié. Certains en sont même morts. J'ai froid aussi, mais je ne pense pas mourir maintenant, pas à cause du froid en tout cas.

Les balles ne cessent de me garder éveillé. Elles sont présentes partout. Dans les tranchées, sur le champ de bataille, et autant dans mes rêves que dans mes cauchemars. Je suis peut-être en train de devenir fou. Je le serais peut-être bientôt à cause d'elles. À moins que je ne le sois déjà...

Ma pauvre Juliette, tu ne me reconnaîtrais pas si tu me voyais dans mon état actuel. J'ai la peau sur les os et elle est devenue aussi blanche que la neige qui commence à tomber. On dit aussi que mes yeux sont vides. Mon âme s'est sans doute en allée en voyant l'atrocité du champ de bataille qui s'étend devant nous.

Cette guerre efface notre humanité, puis nous tue. Un de nos soldats a été exécuté, non parce qu'il a désobéi, mais car il devenait trop « dangereux ». Il n'était plus humain. Tu l'aurais vu. Il ne restait plus que son corps, son âme devait être partie depuis bien longtemps déjà...

Juliette, ma bien-aimée, tu me manques tellement. J'aimerais te promettre que je te reviendrais en vie. Mais ce serait te mentir, je suis déjà mort. J'essayerais quand même de te rejoindre lorsque cette guerre sera terminée. Mais se terminera-t-elle un jour ?

Je ne suis plus sûr de rien.

Je ne pense qu'à toi. Nous nous reverrons bientôt, je te le promets.

À bientôt ma Juliette.

Lucien

Dans la peau d'un soldatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant